Qatargate ou la guéguerre Platini-Blatter
Publié le Par Raphaël Didio
Flickr - Kancelaria Prezesa Rady Ministrów
A L'UEFA, on soupçonne le camp Blatter de saboter le projet de campagne de Michel Platini, susceptible de se présenter à la présidence de la FIFA.
Les soupçons de corruption autour du Qatar concernant l'organisation du Mondial 2022 prennent de l'ampleur ces derniers jours. Dans le collimateur des médias anglais notamment, Michel Platini. A l'UEFA, on soutient malgré tout son président et on jette l'opprobre sur l'autre camp, celui de Sepp Blatter, président de la FIFA : "Tout ça, c'est la parano de Blatter qui a peur que Michel [Platini] se présente contre lui à la présidence de la FIFA."
Le Sunday Times, dimanche 1er juin, a ainsi accusé, documents à l'appui, le Qatarien Mohamed Ben Hamman, ex-patron de la Confédération asiatique de football et ancien vice-président de la Fédération international, d'avoir versé plus de 5 millions de dollars (3,7 millions d'euros) de pots-de-vin à des membres de la FIFA pour "acheter le Mondial". L'UEFA est plutôt convaincu que ces pots-de-vin étaient destinés à rallier des voix en vue de sa propre élection à la tête de la FIFA. Mardi 3 juin, au tour du Daily Telegraph de mettre son grain de sel, et accuse Michel Platini d'avoir rencontré secrètement le sulfureux Ben Hammam en novembre 2010, quelques jours avant le vote.
Platini reconnaît avoir voté pour le Qatar
Mais l'ancien triple ballon d'or se défend becs et ongles : "Je suis le seul membre du comité exécutif de la FIFA qui a dit publiquement pour qui j'avais voté –preuve de ma totale transparence– et que personne ne me dicte ma conduite. Je ne suis plus étonné par la diffusion de rumeurs sans fondement qui vise à salir mon image dans un moment important pour l'avenir du football. Plus rien ne me surprend." Le 10 juin, deux jours avant l'ouverture du Mondial brésilien, Sepp Blatter devrait officialiser sa candidature à un cinquième mandat au cours du congrès de la FIFA. Quant à Michel Platini, elle se fera, peut-être, après le Mondial.
Quatre ans plus tôt, l'ancien meneur de jeu de la Juventus Turin avait abandonné l'idée de se présenter face à Sepp Blatter, déçu qu'il renonce à une retraite. Les deux plus hauts dirigeants du football se livrent désormais une guerre sans merci. Sepp Blatter utilise le Qatar comme arme de campagne : outre les soupçons de corruption, il y a la question du climat qui rend impossible la tenue du tournoi en été, mais aussi des conditions de travail des ouvriers sur les chantiers du pays. De plus, en sa qualité de président, Sepp Blatter s'est vu interdire le vote tandis que Platini a bien reconnu avoir voté pour l'Emirat.
Le déjeuner avec Nicolas Sarkozy et l'émir fait polémique
Car pour beaucoup, le déjeuner à l'Elysée organisé par le président Nicolas Sarkozy dans lequel avait été convié Michel Platini, en présence notamment de l'émir et le premier ministre du Qatar, mais aussi Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital qui était à l'époque le propriétaire du Paris Saint-Germain, a suffit pour influencer le président de l'UEFA. C'était le 23 novembre 2010, soit une semaine avant le vote pour l'attribution de la coupe du Monde et six mois avant le rachat du PSG par les Qatariens. Sepp Blatter a même tourné à son avantage ce repas par une petite allusion politique "Je ne dirais jamais qu'ils ont acheté le Mondial, c'est la poussée politique aussi bien en France qu'en Allemagne".
Si, originnellement, "Platoche" était parti pour voter pour la candidature des Etats-Unis, à l'UEFA, on défend coûte que coûte le grand patron : "Il n'a jamais rencontré des chefs d'Etats ou de gouvernements des pays candidats à l'organisation de la Coupe du monde. Poutine l'avait invité, mais il a refusé, a confié au Monde un proche du patron de l'UEFA. La seule exception, c'est quand Nicolas Sarkozy l'a invité à l'Elysée. Et Michel avait été surpris de la présence de l'émir." En attendant, une trêve va s'imposer entre les deux parties. Michael J. Garcia, chargé d'enquêter depuis le début de l'année par la FIFA sur les conditions d'attribution du Mondial va boucler son investigation d'ici le 9 juin et rendra son rapport dans six semaines, au minimum. Soit après le Mondial Brésilien.