1980 : Bernard Hinault est sacré champion du monde à Sallanches. Il faudra attendre… dix-sept ans pour qu’il trouve en Laurent Brochard, couronné à San Sebastian (1997), un successeur sur la plus haute marche du podium mondial. Auparavant, on aura remarqué que les Tricolores avaient dû attendre dix-huit ans (c’est presque dix-sept…) après le sacre de Jean Stablinski (Salo, Italie, 1962) pour voir Hinault endosser le maillot arc-en-ciel.
Dix-sept ans après Brochard, en cette année 2014, un Français pourrait-il s’imposer dimanche au Mondial de Ponferrada, province de Leon, en Espagne ? Plus précisément au nord-ouest de l’Espagne. Dans cette région où justement le Sarthois avait triomphé au Pays Basque…
Autant de clins d’œil d’un destin que les Français peuvent forcer, dimanche après-midi, au pied du château templier de cette ville étape du Camino frances de Compostelle. Mais pour les neuf sélectionnés tricolores, il ne sera pas question de musarder en chemin comme le font généralement les pèlerins généralement en réflexion sur eux-mêmes, sur le monde ou sur la vie.
Chavanel l’artificier
Là, à Ponferrada, il faudra être certes patient, mais surtout prompt à saisir les (bonnes) occases sur un circuit peut-être pas très difficile mais qui ne pardonnera pas la moindre erreur tactique et sur lequel l’individualisme et le collectif seront étroitement liés.
« Le niveau individuel a primé mais à un moment de la course, il faudra que certains se dévouent ». C’est dans cet esprit que le sélectionneur français, Bernard Bourreau, a monté une équipe de France où se mêleront l’expérience, la jeunesse, la qualité, la vivacité et la réactivité Avec pour commencer, deux capitaines de route, Sylvain Chavanel et Jean-Christophe Peraud. Mais si ce dernier, 2e du Tour de France, se verra confier un rôle de « soutien à Romain Bardet et à l’équipe entière » (dixit Bernard Bourreau), Chavanel constituera lui une force de frappe importante. Il est en grande condition ainsi que le prouve son succès fin août au Grand Prix de Plouay et n’a pas son pareil pour allumer des pétards dans un peloton ou un groupe d’échappés. À son profit où à celui d’un de ses équipiers d’un jour.
Gallopin surveillé
Avec lui, la force de frappe tricolore pourra compter sur trois véritables puncheurs.
A commencer par Tony Gallopin (notre photo). Maillot jaune une journée sur le Tour de France, vainqueur d’une étape le lendemain, le coureur de l’Essonne a passé un cap cette saison et fait désormais partie des coureurs en vue du peloton international. 5e début août de la Classique San Sebastian (qu’il avait gagnée en 2013), il a collectionné les places dans le Top 10 sur des épreuves d’un jour, confirmant sa grande forme il y a deux semaines au Grand prix de Montréal (3e). Ce pourrait être son année, mais il sera serré de près et dans la visée des ténors du peloton.
Après un remarquable Tour de France (6e) dont il rata le Top 5 pour une poignée de secondes, montrant en montagne son tempérament d’attaquant, Romain Bardet constituera l’autre meilleur atout de la bande à Bourreau. Il vient lui aussi de confirmer sa forme au Canada en prenant la 5e place à Montréal. Et dit-on, s’il est à l’aise dans les épreuves par étapes, il apprécie aussi les courses en circuit même s’il admet que celui de Ponferrada sera plus adapté à Gallopin. Mais c’est un attaquant né qui n’a peur de rien…
La rage de Bouhanni
Troisième carte maîtresse, Nacer Bouhanni, le sprinter. Fort de ses trois succès d’étape sur le Giro et de deux autres sur la Vuelta, le futur coureur de Cofidis a démontré sur le tour d’Espagne qu’il avait assez de coffre pour passer la moyenne montagne. Et justement, ce circuit de Ponferrada devrait lui convenir avec ses deux côtes franchement pas infranchissables pour un finisseur comme lui. Dès lors, en cas d’arrivée au sprint, en peloton ou dans un groupe d’échappés, le Vosgien sera redoutable. D’autant plus s’il peut encore bénéficier du renfort de Geoffrey Soupe, son habituelle rampe de lancement dans les emballages.
Et la sanction de son club (la fdj.fr l’a interdit de course pour la fin de saison suite à une interview) ne pourra que renforcer sa rage de vaincre, le bonhomme sachant encaisser les coups comme le boxeur qu’il est à ses heures perdues.
Electrons libres
Avec ces quatre lascars, l’équipe de France pourra compter sur trois électrons libres. Warren Barguil a démontré sur la Vuelta qu’il avait un sacré tempérament, une bonne analyse de la course et le sens du collectif. Cyril Gautier, 4e à Plouay, est un coureur opportuniste auquel il manque souvent ce petit plus pour concrétiser mais ça sourira bien un jour. Et pour finir, le tout-terrain, Kevin Reza, son partenaire d’Europcar, souvent placé dans les sprints du Tour qui, selon Bourreau, sera le joker de l’équipe.
Sur le plan de la cohésion d’équipe, Bernard Bourreau n’a pas hésité à faire confiance à des duos habitués à travailler ensemble pendant l’année (Peraud-Bardet, Bouhanni-Souppe, Gautier-Reza), ce qui constituera un précieux atout. Bien sûr, l’inexpérience en matière de championnat du monde (1re sélection pour cinq d’entre eux) pourrait jouer en leur défaveur. Mais avec ces Français qui se connaissent bien et s’apprécient même s’ils sont rivaux le reste de la saison, qui sont décomplexés et ont envie de porter encore plus haut le renouveau du cyclisme français, on peut raisonnablement croire en leur bonne étoile.
Jacques-Henri Digeon
L’équipe de France
Romain Bardet, (AG2R La Mondiale), 23 ans , 2e sélection
Jean-Christophe Peraud (AG2R La Mondiale), 37 ans, 1re sélection
Cyril Gautier (Europcar), 27 ans, 3e sélection
Kevin Reza (Europcar) 26 ans, 1re sélection
Sylvain Chavanel ( IAM), 35 ans, 10e sélection
Nacer Bouhanni (fdj.fr), 24 ans, 1re sélection
Geoffrey Souppe (fdj.fr), 26 ans, 1re sélection
Warren Barguil (Giant-Shimano), 22 ans, 1re sélection
Tony Gallopin (Lotto-Belison), 26 ans, 3e sélection
Les hommes à suivre
Alberto Rui Costa (Portugal). Tenant du titre, il a remporté le tour de Suisse cette année et pris notamment la 2e place à Montréal. C’est un coureur tout-terrain et opportuniste.
Simon Gerrans (Australie). C’est l’homme en grande forme du moment. Il vient de réaliser le doublé des grands prix de Québec et Montréal. Et il passe partout.
Peter Sagan (Slovaquie). Il trouvera un parcours idéal pour ses qualités de puncheur-finisseur-sprinteur. Maillot vert du Tour sans victoire d’étape, il lui manque un succès de prestige cette année.
Alejandro Valverde (Espagne). Souvent placé: 2e en 2003 et 2005, 3e en 2006, 2012 et 2013. A 34 ans, son expérience pourrait enfin lui sourire pour la conquête de l’arc-en-ciel.
Fabian Cancellara (Suisse). Il est quelque peu sur la pente descendante. Et ne roule plus aussi fort. La preuve, il n’a pas couru le contre-la-montre mercredi. Mais ce titre lui fait envie.
Vincenzo Nibali (Italie). Le parcours n’est pas assez pentu pour lui et il a peu couru depuis le Tour, Mais un doublé Tour-Mondial comme LeMond 1989 ne lui déplairait pas.
Tom Dumoulin (Pays-Bas). 6e à Montréal, 2e à Québec et 3e du contre-la-montre mercredi, le Néerlandais est en très grande condition et le circuit servira son explosivité.
Et encore… Greg Van Avermaet, Jan Bakelants (Belgique), Alexander Kristoff (Norvège), John Degenkolb (Allemagne), Geraint Thomas (Grande-Bretagne).
Le circuit
Circuit de 18,2 km à couvrir 14 fois, soit 254,8 km ; c’est moins que les précédents circuits qui faisaient plus de 260 km.
Dénivelé de 4284 m
2 côtes :après 4 km de plat, l’Alto de Montearenas avec un premier passage à 8% avant une montée régulière à 3,5%. Et avant une descente avec des passages à 16%. L’Alto de Compostilla, long de 1,1 km avec des pourcentages à 11%.
Après le sommet de la 2e côte, descente de 4,5 km jusqu’à l’arrivée.