SportHebdo : un champion indigne
Publié le Par Jacques-Henri Digeon
AFP - dr
La mort du noir américain George Floyd a suscité de nombreuses réactions en France comme ailleurs. Chez les sportifs français, on retiendra le beau geste d'un footballeur et des paroles indignes d'un champion olympique.
De Mexico... L'image qui date de 1968 est entrée dans la grande histoire du sport : cinq Américains levant le poing sur les podiums de 200 (Tommie Smith et John Carlos) et 400m (Lee Evans, Larry James et Ron Freeman) des Jeux de Mexico en protestation de la condition des noirs aux Etats-Unis C'était à l'époque la première grande retransmission mondiale télévisée sportive et ces bérets noirs et poings levés ont pu surprendre. Du fait de l'impact médiatique, les Jeux et le sport entraient dans une nouvelle ère et les téléspectateurs du monde entier allaient s'interroger sur le racisme aux Etats-Unis et découvrir que les choses n'avaient pas réellement pas changé depuis la fin de la Guerre de Sécession*... Mais sans véritable rejet de ces cinq ''fiers'' Américains défiant l'hymne et la bannière étoilée de la plus grande puissance mondale. Car si ce geste qui provoqua des huées dans le stade Aztèque était celui de la révolte, il était empreint d'une grande dignité de la part de champions qui défendaient malgré tout les couleurs de leur pays.
Aujourd'hui, 52 ans après, le racisme est toujours là, indéfendable, primaire, populiste, sournois... Et si le monde a, dit-on, changé, il est encore plus intransigeant, sectaire, égoiste... Et violent ! On l'a vu lors des manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd. Aux Etats-Unis et par répercussion (ou récupération...) en France et jusqu'en Australie.
… à Moenchengladabach. Mais là n'est pas notre propos de disserter sur le bien-fondé de ces rassemblements et de ces réactions populaires que l'on peut comprendre. Nous évoquerons ici le monde sportif qui a, sous différentes formes, exprimé son ras-le-bol de ce racisme encore trop souvent présent sur les terrains de sport même s'il est le fait de quelques ''sans- cervelle'' excités. Ainsi rejoindrons-nous Yannick Noah qui, au ''20 heures'' de France 2 dimanche s'est étonné qu'aucun sportif français blanc ne s'exprime. Ainsi, apprécierons-nous le beau geste de Marcus Thuram qui, dans la lignée du combat anti-raciste de son champion du monde de père (Lilian), a célébré son but en Allemagne (avec le club de Moenchengladbach) en posant un genou à terre. « Marcus a eu une manière juste d'exprimer la colère générale », a dit Stéphane Carnot, recruteur de Guingamp, avant d'ajouter : « Un geste est toujours plus fort que des mots. » Certes, mais parfois les mots peuvent également dépasser l'entendement. Nous évoquions en début de chronique les Jeux de 1968 et les poings levés des médaillés noirs américains.
… et Rio. Dignité, avons-nous écrit. Ce ne sera pas le cas de Tony Yoka. Le boxeur poids lourd français, qui vit et s'entraîne aux Etats, n'a pas fait, loin s'en faut, honneur à sa couronne olympique de Rio. « Brûlez tout, niquez tout », a t-il tweeté en soutien aux manifestant de Minneapolis, Los Angeles ou Boston. « Je n'ai jamais voulu lancer un appel à la haine, j'avais les nerfs » a t-il tenté de se justifier en assumant son « énervement » et son franc-parler. Il a beau dire, ses mots sont indignes de sa médaille d'or et de son statut. Peut-être faudra-t-il lui préciser que Tommie Smith et John Carlos furent bannis des Jeux. Et lui rappeler que l'olympisme étant symbole de paix, son statut lui imposait l'exemplarité, quelles que soient les circonstances. Alors, ne faudrait-t-il pas le déchoir de son titre et lui imposer de rendre sa médaille ? Car, dans son cas, les mots répercutés sur les réseaux sociaux ont été trop violents. A vous de juger !
*La principale conséquence de cette guerre civile du Nord contre le Sud des Etats-Unis fut l'abolition de l'esclavage dans tous le pays (13e amendement).
Eux aussi ont réagi...
Thierry Henry. « Pourquoi les mêmes racistes qui applaudissent n'importe quelle minorité ethnique qui joue pour l'équipe qu'ils soutiennent injurient-ils les mêmes minorités une fois dans la rue ? ». Et encore : « Pourquoi toutes les méthodes que nous utilisons pour éradiquer le racisme de notre société ne fonctionnent-elles pas ? Cela dure depuis trop longtemps et cela va trop loin pour que cela soit toléré dans la société d'aujourd'hui .»
Lewis Hamilton. « Il n'y a eu aucun signe parmi tous ceux qui travaillent dans le même milieuque moi parce car la F1 est un sport dominé par les blancs. Je suis seul parce que jesuis le seul pilote de couleur. »
Kylian Mbappé. « La police avec nous, pas contre nous. » (Traduit de l'anglais).
Mathieu Bastareaud. « La France n'est pas un pays raciste sinon je ressentirais un malaise du matin au soir. » Mais « Tout n'est pas si joli dans notre beau pays. »
Patrick Mouratoglou. « Ce n'est pas de la politique que de s'élever contre le racisme, c'est un devoir. »
LA PHRASE de la semaine. « J'ai juste manqué trois contrôles antidopage, ce qui est normal. Cela peut arriver à n'importe qui. Je ne veux pas penser à autre chose car je ne serai jamais une tricheuse. » On a aura tout entendu chez des sportifs se défendant d'être soupçonné de dopage. Mais là, ça vaut son pesant de cacahuètes. Et c'est Eid Nasser, la fulgurante bahreïni championne du monde du 400 m qui l'a dit...
(Sources : L'Equipe, Le Parisien/Aujourd'hui, internet)