Monde Politique

COP21 : le vert à moitié plein

Publié le  Par Patrick Béguier

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Il ne fallait pas rêver : 195 pays n'allaient pas monter au combat contre le réchauffement climatique en rangs serrés et au même pas, sitôt retombé le petit marteau vert de Laurent Fabius. Trop d'intérêts divergents, économiques, sociaux, géopolitiques, sont en jeu. Mais hier, il y a bien eu un accord à vocation universelle et une réelle avancée.

 
 
Paris va donc effacer Copenhague !
Les parties présentes ont reconnu que "les changements climatiques représentent une menace immédiate et potentiellement irréversible pour les sociétés humaines et la planète". Ce préambule d'un texte qui comporte 39 pages est essentiel. La prise de conscience est partagée, la nécessité "d'une riposte internationale efficace et appropriée, en vue d'accélérer la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre" affirmée. Tous les mots ici ont leur importance : le vocabulaire est presque guerrier et les notions de temps explicites.
Néanmoins, en avançant au fil des pages, on se lasse assez vite des formulations souvent complexes, parfois obscures, employées dans cette convention-cadre (surtout avec les renvois aux conférences antérieures). On devine quels ont été les affrontements nocturnes des négociateurs pour ajouter tel ou tel point ou limiter la portée de tel ou tel objectif, le détail pour les uns pouvant être l'important pour les autres.
 

De 2 à 1,5

 
Quels sont donc les principaux acquis ?
Le texte propose de limiter la hausse de la température moyenne de la planète "nettement en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels" et de "poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 degré (toujours par rapport aux niveaux préindustriels)". Pour ce faire, il faudra entreprendre des réductions rapides des émissions de gaz à effet de serre et "parvenir à un équilibre entre celles dues aux activité humaines et celles absorbées par les puits de carbone durant la seconde moitié du siècle". Il est fait référence aux forêts et aux techniques de captage et de stockage du CO2. Il s'agira aussi de renforcer les capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques "d'une manière qui ne menace pas la production alimentaire". Cette réserve, essentielle, n'a pas été suffisamment soulignée.
Autre résultat : la mise en place d'un mécanisme de révision des engagements nationaux qui devra avoir lieu tous les cinq ans, sachant qu'à chaque fois il faudra enregistrer une progression par rapport à la période précédente. Première grande réévaluation des "engagements" contractés : 2025.
Un des grands problèmes était la "différenciation" qu'il fallait opérer entre pays développés et pays en développement pour le partage des obligations. Le conflit était évident puisque certains pays émergents sont, en réalité, en pleine… expansion. D'où l'opposition des États-Unis. À cet égard, l'Inde a su faire entendre sa voix : elle a refusé la ligne rouge qu'on voulait lui tracer en rappelant, à juste titre, la responsabilité historique du Nord dans le dérèglement climatique. Mais, fort heureusement, cet obstacle majeur a pu être levé in extremis et un consensus a été obtenu : les pays développés "doivent être à la pointe et se doter d'objectifs de réduction d'émissions en valeur absolue", alors que les pays en développement "devraient continuer à améliorer leurs efforts" de lutte contre le réchauffement, "à la lumière de leur situation nationale". Ouf !
Restait le problème du financement. Un chiffre a retenu l'attention de tous les observateurs : les 100 milliards de dollars, par an, pour financer les politiques climatiques des pays en développement à partir de… 2020. C'était une demande essentielle, notamment des pays africains. Elle a eu du mal à trouver sa réponse pendant les débats de la COP21. Finalement, les 100 milliards sont un plancher et un nouvel objectif, en hausse donc, sera négocié en 2025 ! En outre, dans le texte, on trouve plusieurs articles qui, grâce aux transferts de technologie, devraient permettre aux pays les plus défavorisés de trouver des solutions innovantes. L'Afrique, nouvelle terre d'espoir grâce à l'énergie solaire ? C'est possible.
 

La mer, éternelle oubliée

 
Restent les imprécisions et les oublis.
Le juge de paix en matière d'engagements, c'est la date. Précise, incontournable. C'est aussi la contrainte juridique. Précise, incontournable. On peut naviguer dans le texte sans trouver d'autres balises que des repères décenniques. Tant d'événements peuvent tordre les discours, remettre en cause les "reconnaissant que" d'une convention-cadre !
Et puis, il y a le temps. Ce temps qui était synonyme d'urgence dans le préambule. Les spécialistes du climat, ONG ou autres, pointent, au contraire, le retard qu'on prend. Pour beaucoup, 2020, 2025, c'est trop tard. Ils sont conscients de la nécessité d'agir partout, maintenant, et craignent, d'évidence, les reculs, les dérobades, les remises à des lendemains qui ne chanteront plus…
 
 
Et cette interrogation : elle est où la mer ? Celle qui occupe 71% de la surface du globe. Celle que l'homme martyrise en lui envoyant des flots de déchets (un septième continent, disent certains écologistes), en pillant sa faune et sa flore, en l'exploitant sans scrupule aucun pour du gaz et du pétrole, en acidifiant progressivement ses eaux au risque de faire disparaître le plancton, alors qu'elle joue un rôle essentiel comme régulateur thermique et que, sans elle, nous serions déjà en état d'asphyxie !
Seules certaines associations et ONG s'en soucient. La mer n'a pas d'ambassadeur, pas de négociateur. Le personnage principal de la COP21 n'est apparu que dans quelques scènes. Les médias l'ont pris pour un hallebardier. Faites, comme moi, défiler sous vos yeux les 39 pages de l'Accord de Paris. Vous y trouverez le mot "forêt" et c'est heureux. Vous n'y trouverez pas le mot "océan".
 
 
 
 
 
 
 






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