France Politique

Mélenchon VS Le Pen : le duel le plus intéressant de cette présidentielle.

Publié le  Par Jennifer Declémy

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Décryptage du duel le plus inattendu, et le plus passionnant de cette triste campagne électorale.

Personne ne s’y attendait, personne ne voyait le candidat du Front de Gauche débouler dans la campagne présidentielle et bouleverser l’ordre des candidats présidentiel au premier tour, et pourtant aujourd’hui on se rend compte que le duel le plus intéressant n’est certainement pas celui qui se déroule entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, mais celui entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Les deux représentants d’une certaine radicalité politique se sont en effet opposés frontalement dans cette élection, et l’enjeu principal entre eux est désormais de savoir qui arrivera sur la troisième marche du podium.

Le Front de Gauche est le seul parti à avoir ouvertement tapé sur la candidate du Front National, cible dont Jean-Luc Mélenchon s’est emparé au début de l’année et depuis, la rivalité va crescendo entre les deux candidats, qui ciblent, globalement, le même électorat. Le point culminant de cette confrontation aura naturellement été le débat avorté sur France2 le 24 février 2012, pendant lequel la candidate de l’extrême-droite a refusé de discuter avec le candidat du Front de Gauche. Cet intermède a véritablement marqué un tournant dans le rapport de forces, et a permis à Jean-Luc Mélenchon de s’affirmer face à elle, de marquer des points dans l’opinion pour sa pugnacité. Sa montée dans les sondages, jusqu’à dépasser le FN dans certains d’entre eux, aura d’ailleurs cristallisé les tensions entre les deux adversaires.

La confrontation ne date pas pourtant de la campagne présidentielle, déjà, en 2011, les deux candidats s’étaient affrontés sur BFMTV, sous la surveillance du journaliste Jean-Jacques Bourdin, lors d’un long débat qui avait légèrement tourné à l’avantage de Jean-Luc Mélenchon, mais qui s’était déroulé dans une atmosphère plutôt courtoise. A l’époque déjà, leurs principaux points de divergence concernaient l’Europe, l’immigration ou encore l’islam. Mais déjà à cette occasion les deux protagonistes avaient trouvé leurs principales armes à utiliser l’un contre l’autre : face à une Marine Le Pen qui lui reprochait en permanence son passé de socialiste et son appartenance au « système (…) Ne venez pas nous dire aujourd’hui que vous êtes un rebelle à ce système et que vous allez apporter des solutions. Vous avez accompagné tout cela et vous allez continuer à accompagner tout cela », Jean-Luc Mélenchon lui répondit sur la nature même de son parti, avec une réplique désormais célèbre « vous, ça fait quarante ans que vous existez, vous ne servez strictement à rien (…) vous n’avez jamais servi à rien, à part amener la haine ».

A la suite de ce débat, les deux leaders politiques ont semblé boxer dans des catégories différentes, Marine Le Pen surfant sur une vague à 20% et paraissant même en passe de s’imposer pour le second tour, tandis que Jean-Luc Mélenchon se faisait adopter par les communistes mais demeurait dans la catégorie « petit candidat », aux alentours des 4-5%. Ce n’est que vers la fin de l’année 2011 que le Front de Gauche a réorienté ses critiques et ses attaques vers le Front National, pour entreprendre une stratégie de démolition de l’extrême-droite.

L’évènement qui va mettre le feu aux poudres entre les deux partis, c’est la participation de Marine Le Pen à un bal d’extrême-droite en Autriche, au début du mois de janvier 2012. Le Front de Gauche va alors monter au créneau et s’imposer comme le seul parti politique qui ose affronter directement le Front National. Un positionnement qui fait même dire à des ténors socialistes en off « heureusement qu’il y a Mélenchon pour faire le taf (…) il est dans son rôle : il est en compétition électorale avec Marine Le Pen et s’attaquer frontalement à Le Pen lui donne de la visibilité et de la légitimité ».

La résistance de la gauche au FN, c’est désormais une série de livres, écrits par les proches de Jean-Luc Mélenchon, qui expose les impostures idéologiques de Marine Le Pen et qui fournit aux militants toute une liste d’arguments destinés à répondre à l’extrême-droite sur le terrain. De mêmes, les lieutenants de l’ancien socialiste ont multiplié les réunions dans toute la France pour convaincre les électeurs, tandis que le leader a commencé à taper sur Marine Le Pen dans ses meetings, utilisant d’euphémismes si forts « semi-démente », « chauve-souris », qu’ils furent repris par les médias, qui commencèrent alors à s’intéresser au cas Mélenchon.

Face à ces attaques incessantes, le Front National choisit tout d’abord de répondre par le mépris, n’attachant visiblement pas d’importance à un candidat dont le score restait encore en-dessous des 10%. Ce mépris en question se manifesta tout particulièrement lors dudit débat télévisé sur France2, pendant lequel la candidate de l’extrême-droite refusa de débattre avec un « petit candidat » qui ne naviguait pas dans les mêmes eux électorales qu’elle. Parlant de Jean-Luc Mélenchon seulement avec dédain et recul, c’est quand l’ancien sénateur dépassa les 10% d’intentions de vote, et commença à dangereusement se rapprocher du Front National, que Marine Le Pen riposta et mit tout son parti en ordre derrière elle pour attaquer le Front de Gauche.

Cela fait donc environ deux mois que les deux Front s’affrontent, à coups de répliques cinglantes, d’attaques perfides et de formules audacieuses, instillant davantage de piquant dans une morne campagne où le président challenger n’arrive guère à rattraper le favori socialiste qui n’ose pas sortir de son trou, de peur de gaspiller son trésor électoral. La lutte entre Front de Gauche et Front National a même atteint un sommet quand, pour la première fois, un sondage mit Jean-Luc Mélenchon devant Marine Le Pen, et lui décerna la troisième place du podium. Plusieurs autres instituts de sondages ont par la suite acté cette possibilité, rendant la lutte encore plus âpre entre les deux combattants. L’ancien sénateur socialiste ne cache désormais plus son objectif : passer devant Marine Le Pen dimanche 22 avril, pour ainsi redonner ses lettres de noblesse à la gauche.

S’il y parvient, ce sera un moment historique de notre vie politique. Une sorte de retour du balancier du traumatisme du 21 avril 2002 pour la gauche, qui a tant marqué Jean-Luc Mélenchon et l’a politiquement traumatisé. Ironie de l’histoire, c’est lors de la présidentielle de 2002 que les deux leaders politiques se sont découverts, sur un plateau de télévision. Il y a dix ans ils s’invectivaient doucement – aujourd’hui ils luttent pour une confirmation ou une infirmation du 21 avril 2002…







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