Quand le foot ne fait plus rêver
Publié le Par Jacques-Henri Digeon
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L'équipe de France ne fait plus recette dans l'esprit des supporteurs. Mais pas que... Car c'est également le foot actuel, son système, ses stars, son business, ses affaires et la multiplication des compétitions qui provoquent le blues des amoureux du sport roi.
« Qu'il y ait victoire ou défaite, les gens s'en fichent, c'est de l'indifférence, ils ont mieux à faire. » Christophe Dugarry n'a jamais eu la langue dans sa poche. Mais s'il est parfois excessif, le champion du monde 1998 traduit par ces quelques mots dans L'Equipe (19 octobre) un certain désintérêt du public pour le football. Et de fait, le récent succès du match des Bleus (4-1 contre Israël en Ligue des nations) n'a attiré que 3,98 millions de téléspectateurs, plus mauvais score depuis le France-Colombie en 2019 et 2,95 millions de fans devant leur poste, précise le quotidien sportif. Il est vrai que les derniers matches plus que poussifs de l'équipe de France (Israël et victoire heureuse en Belgique) n'ont franchement pas soulevé l'enthousiasme.
"Désamour". Mais plus encore, on peut se demander si cette baisse de popularité n'est pas la conséquence d'une Ligue 1 peu palpitante, sans gros suspense en raison de la domination sportive et de la puissance financière du PSG. Mais également du fait des 29 euros mensuels fixés par les nouveaux diffuseurs DAZN et BeIn Sports pour voir des rencontres pas folichonnes de cette même Ligue 1 moins spectaculaire que la Premier League anglaise ou la Liga espagnole. Ajoutez y une nouvelle version de la Ligue des champions moins attrayante, la multiplication des compétitions internationale sans oublier les affaires extra-sportives (Ben Yedder, Mbappé...), les trop nombreux débordements des ultras, les incidents qui en résultent et vous comprendrez mieux ce que L'Equipe qualifie de ''désamour''.
Robotisé. D'autres ex-internationaux y vont de leur avis et n'ont peut-être pas tort. Ainsi le néo-retraité Raphaël Varane constate qu'il « y a moins de créativité, moins de génies, que tout est robotisé » sur les pelouses. Bixente Lizarazu, quant à lui, pointe du doigt l'évolution de la société traduite par les réactions violentes et sans recul des réseaux sociaux : « On est dans un truc de consommation : tel joueur n'est pas bon, il doit dégager ; mon équipe perd, je vais insulter un membre du club... » Et le consultant de TF1 de regretter que « les joueurs ne font que passer dans ce système de trading » (comprenez marché financier), le sentiment d'appartenance et d'esprit de famille disparaissant.
Nostalgie. Pour conclure, on reprendra ces mots de supporteurs interrogés par Ouest-France. « Le foot est devenu un sport business où les joueurs ne représentent plus le jeu en priorité... », rapporte le quotidien sur son site avant qu'un autre ''nostalgique » constate qu'avant les joueurs étaient « un peu moins techniques, moins physiques mais ils avaient la niaque, ne lâchaient pas grand chose, et avaient l'esprit d'équipe. » Et un troisième d'évoquer cette période pas si lointaine où le public dans les stades ou devant la télé s'identifiait aux joueurs : « Nous aimions notre Platini de Nancy, notre Zidane de Marseille, notre Thuram de Guadeloupe, notre breton Guivarc'h (…) Nous les supportions parce qu'ils étaient une partie de nous. » Il faut bien reconnaître que ce n'est plus toujours le cas aujourd'hui même si Brest*, le petit de l'Europe, imité par Lille*, nous ont fait encore vibrer.
Les instances nationales et internationales prendront-elles conscience du blues de ces vrais supporteurs ? Pas sûr, pas sûr...
*Mercredi, pour le 3e tour de la Ligue des champions, le Stade Brestois a tenu en échec le spectaculaire Bayer Leverkussen (1-1) tandis qu'en fin de soirée Lille allait s'imposer 3-1 sur le terrain de l'Atletico Madrid trois semaines après avoir fait chuter (1-0) le Real invaincu cette année.
Du sport vendu comme un spectacle chez DAZN...