Il y a eu la crise de l’immobilier qui dégénéra en crise bancaire, puis la chute de la maison Lehman. La plupart des pays furent obligés d’intervenir pour sauver leurs banques. Le marché des prêts paralysés entraîna une crise économique sans précédent. Alors que les autorités financières tentaient de colmater l’une après l’autre les brèches qui s’ouvraient, un nouveau scandale éclatait. En 2012, on apprenait que les banques avaient manipulé le Libor. Cette année, on soupçonne des jeux dangereux sur le marché des changes. Un problème ? Ce n’est pas fini.
Mais là, une pause s’installe, des fois que vous seriez un peu perdu.
Deux ou trois choses pour comprendre le Libor
Le Libor (pour London interbank offered rate, en français: taux interbancaire offert à Londres) est un taux d’intérêt de référence établi à Londres. Chaque jour, c’est à ce taux que des grandes banques se prêtent entre elles. Il existe une version en euro uniquement, l’Euribor. Tous les jours à 11 h (heure de Londres), chacune des 16 grandes banques internationales - dont Barclays, HSBC et Royal Bank of Scotland côté britannique, l’allemande Deutsche Bank, la suisse UBS, les américaines JP Morgan, Citigroup ou encore Bank of America, et la Société Générale - annoncent indépendamment et sans négociation le niveau de taux auquel elle estime devoir emprunter auprès des autres banques du panel. Les seize estimations sont compilées. Il en sort un taux final rendu public avant midi. C’est sur cette base que les banques offriront une infinité de produits financiers, qui alimentent in fine l’économie réelle via des prêts aux particuliers et aux entreprises. Des centaines de milliers de milliards de dollars de produits dérivés. Le Wall Street Journal évoque des montants annuels pouvant s’élever à 600.000 milliards de dollars, soit dix fois le PIB mondial annuel !
Seulement voilà, le taux Libor sert aussi de baromètre qui mesure l’état des banques. Par exemple, quand la Lehman a fait faillite à l’automne 2008, alors que les banques centrales continuaient de proposer des taux très bas, le Libor a lui atteint un plafond.
Le Libor fixé sur la bonne parole des banques
Que s’est-il passé entre 2008 et 2012 ? Le Libor est fixé sur la bonne parole des banques. Un petit coup de pouce est tentant. Quand l’économie va bien, les banques sont tentées d’augmenter un petit peu les taux Libor pour prêter un peu plus cher et dégager de meilleurs rendements. Quand l’économie va de moins en moins bien, si une banque est fragilisée, les autres banques lui prêteront, avec plus de risque, donc à des taux plus élevés. Le processus de calcul du Libor permet toutefois à cette banque fragile, de continuer à annoncer quotidiennement des taux Libor faibles pour cacher sa mauvaise santé financière et ainsi continuer à emprunter à des taux bas.
Et les banques ont ainsi franchi la ligne blanche. Celle par qui le scandale éclata fut la Barclays. Mais à elle seule, elle ne pouvait pas faire «bouger» le Libor. ( Je vous passe les détails). Obligatoirement, il est nécessaire que plusieurs banques s’entendent entre elles.
Nouvel épisode de l’enquête sur la manipulation du taux interbancaire Libor : trois anciens employés de la banque Barclays (dont le patron avait déjà été emporté par la tempête) ont été inculpés lundi de manipulation concertée entre 2005 et 2007. Par ailleurs, de nombreuses banques ont été lourdement sanctionnées dans le monde pour manipulation de ce taux. La Commission européenne a ainsi condamné six institutions financières internationales pour 1,7 milliard d'euros.
Dans l'affaire concernant l'Euribor, la plus forte amende, qui s'élève à 465,8 millions d'euros, a été infligée à Deutsche Bank, tandis que Société Générale devra payer 445,9 millions d'euros. En ce qui concerne l'affaire du Libor, RBS s'est vu imposer une amende de 260,1 millions d'euros, tandis que Deutsche Bank devra débourser 259,5 millions d'euros et JPMorgan, 79,9 millions d'euros. Citigroup devra, de son côté, s'acquitter d'une amende de 70 millions d'euros.
Marché des changes : les crises se suivent
Quand c’est fini, tout recommence. Le dernier scandale dont on parle concerne la manipulation du marché des changes (Foreign Exchange Market, ou Forex). Il s'apparente à celui de la manipulation du taux interbancaire Libor. L'entrée en scène du régulateur des services financiers de l'Etat de New York, Benjamin Lawsky, témoigne que ça ne fait pas du tout rire les autorités. Une enquête internationale a été lancée en avril 2013 sur les soupçons de complot visant à ce jour quinze banques internationales actives sur le négoce des devises.
Le régulateur des services financiers de New York a adressé des requêtes de documents sur leurs activités, le 5 février, à une douzaine de banques, dont Goldman Sachs, Deutsche Bank, Credit Suisse ou encore la Société générale.
Aux yeux de Martin Wheatley, le directeur général de la Financial Conduct Authority, le régulateur britannique, les accusations de connivence entre opérateurs du Forex au mépris de la législation antitrust, américaine comme européenne, « sont aussi graves que celles sur la manipulation du Libor.
Le scandale des changes dépasse en importance celui du Libor en raison de la taille d'un marché des devises fort de 5 300 milliards de dollars de transactions quotidiennes. Des traders auraient placé de nombreux ordres pendant un court laps de temps précédant la fixation du cours des devises. Ils se seraient entendus entre eux pour miser de concert afin d'amplifier leur influence.
Organisés en groupes de discussion par le truchement de systèmes de messagerie instantanée, les opérateurs auraient échangé des informations avec la concurrence. L'objectif aurait été d'établir des positions avantageuses juste avant le fixing-clé de l'indice WM/Reuters de 16 h fixant les cours journaliers des monnaies.
La City, premier marché des changes au monde, et Wall Street s'interrogent sur la suite à défaut d’entrevoir la fin. Le calcul des indices des matières premières, en particulier l'énergie et les métaux, est aussi dans l'œil du cyclone. Et justement, on sait prévoir l’arrivée de cyclones, jamais les dégâts qu’ils font. Au fait, ça s’appelle comment ce truc de la mythologie grecque ? Ah oui ! la boîte de Pandore…
Antoine Laray est journaliste économique et financier