Travailleurs détachés : accord européen pour limiter les dérives
Publié le Par Antoine Sauvêtre
Parti socialiste - flickr
Réunis hier à Bruxelles, les ministres du travail européens ont trouvé un compromis pour réformer la directive encadrant le détachement des travailleurs européens. Mais les pays souhaitant un accord ont dû faire quelques concessions.
Plus de huit heures auront été nécessaires pour trouver un accord. Mais les ministres du travail des Vingt-huit ont fini par s’entendre lundi 9 décembre pour tenter de limiter les dérives du détachement des travailleurs. Plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, souhaitaient un renforcement des contrôles et un encadrement de la directive de 1996 qui définit le statut des travailleurs « détachés. » Les pays d’Europe centrale et le Royaume-Uni, ne voulaient pas la modifier. La Pologne, en position pivot, a finalement rallié la cause de Paris et Berlin, permettant un accord.
A lire : Union européenne : l’épineuse question des travailleurs détachés
Transparence et sanctions
Désormais, la liste des documents, qui peut être réclamée par l’Etat auprès des entreprises détachant des travailleurs, restera « ouverte » pour faciliter les contrôles. Les mesures décidées par les gouvernements devront cependant être notifiées à la Commission européenne, qui décidera si elles sont « proportionnées » et si elles ne vont pas à l’encontre de la directive européenne.
Surtout, un Etat est maintenant dans l’obligation de poursuivre un donneur d’ordre pour les fraudes relevant d’un de ses sous-traitants. Les sanctions devront être « équivalentes » entre les pays même si elles seront mises en place par chaque membre de l’UE. Cette obligation, définit comme une « responsabilité conjointe et solidaire », ne concerne en revanche que le secteur du BTP. Elle restera optionnelle pour les autres secteurs, tels que les transports, l’agroalimentaire ou l’agriculture.
Directive controversée
Le ministre du travail français, Michel Sapin, premier à dénoncer les conditions « inadmissibles sur le plan humain et sur le plan économique » des fraudes, a salué « un accord en tout point conforme à ce que voulait » Paris. Il a précisé qu’il commencera « dès cette semaine à mettre en œuvre les outils juridiques et les moyens humains permettant de lutter contre les fraudes. » Et prévient les entreprises tricheuses : « cela se verra sur le territoire français. »
L’accord ne fait pourtant pas l’unanimité. Dès la signature, Nicolas Dupont-Aignan, président du parti Debout la République, a réagi dans un communiqué. Pour lui, l’accord « n’est qu’un subterfuge, un écran de fumée pour détourner l’attention des Français jusqu’aux élections européennes. » Il considère que le problème n’est pas « le contournement de la règle mais la règle elle-même. »
La directive européenne de 1996 décrit le statut et les conditions d’un travailleur détaché. Celui-ci doit percevoir le salaire en vigueur dans le pays où il travaille, mais les charges sociales appliquées sont celles de son pays d’origine. Pour le député de l’Essonne, la directive « a ouvert la voie à des délocalisations de l’intérieur. Les entreprises du BTP, qui par nature ne peuvent pas délocaliser leur production, le font en employant des travailleurs […] venus d’Europe de l’Est » qui « continueront à être bien meilleur marché que les travailleurs français puisqu’ils ne payent pas leurs cotisations en France. »