Une vingtaine de chaînes au total !
La crise, l’Union européenne ou le FMI auront obtenu, espérons-le sans le vouloir, ce qui est ordinairement le premier et incontournable coup d’un méprisable jeu d’échecs pour bien des dictatures en devenir : museler les médias.
Les historiens du futur auront de quoi méditer sur cette crise qui veut sauver les banques, mais abandonne au chaos, la voix du pays. Le jour où l’on apprenait la faillite de l’ERT, le Gouverneur de la Banque de Grèce indiquait que le fonds de sauvetage des quatre plus grandes banques du pays, (National, Alpha, Piraeus et Eurobank), financé par le Fonds monétaire international et l'Union européenne, aura pour mission de recapitaliser les banques grecques à hauteur de 50 milliards d'euros et de financer le démantèlement des établissements de moindre envergure jugés non rentables par les autorités. Il restera comme poire pour la soif sept milliards en cas de coup dur… dans le secteur financier, parce que du côté de la radio-télévision publique dont le budget annuel est de 300 millions d’euros, certainement très mal géré, il n’est prévu ni poire, ni rien d’ailleurs. Mais il est vrai que l’on ne mélange pas les torchons et les serviettes.
Tomates ou poireaux
Les Grecs au passage peuvent méditer sur les propos du FMI le 5 juin dernier qui affirmait que les exigences qu’il avait posées avec ses partenaires en contrepartie de l'aide accordée à Athènes étaient inadaptées, et de glisser au passage que ses prévisions économiques pour la Grèce étaient trop optimistes, dans sa troisième évaluation du plan d'aide international. Que l’on songe : autant d’énergie déployée, de temps passé, d’avions business class pris, de nuits blanches aussi... et de tout cela qu’une seule réalité tangible, celle, simple exemple, d’une distribution de légumes gratuits organisée mercredi en Grèce par des agriculteurs qui a dégénéré en bagarre générale. C’était en février dernier. Les chaînes de télévision du pays, à l’époque elles existaient encore, ont diffusé en boucle les images de Grecs luttant pour des sacs de tomates ou de poireaux, donnant lieu à un débat sur l'ampleur prise par la pauvreté dans le pays. C’était l’image d’un peuple qui n'a pas de quoi manger, qui n'a pas de quoi se chauffer, pas de quoi joindre les deux bouts. Un peuple dont 28% de la population active est sans emploi mais dont le budget militaire se monte à environ 3% de son PNB, soit près de deux fois la moyenne des pays de l’UE (1,7%), un budget astronomique lorsqu’on le compare aux effectifs relativement modestes de l’armée grecque: 139 000 soldats et 251 000 réservistes. Et ne parlons pas de l’omniprésence de l’église orthodoxe… si riche aussi. Enfin bref, tout cela indique l’effroyable complexité d’une intervention au sein d’une Europe que l’on définit pourtant comme forte.
Elle montre aussi une réalité cynique, celle d’une Union, hier idéal de paix et de développement pour quelques-uns, aujourd’hui un ramassis de pays aux intérêts divergents, et sans doute pour certain n’ayant frappé aux portes de l’Europe que pour la valeur de sa fortune.
Antoine Laray est journaliste économique et financier