Jusqu’où ira-t-on dans la lutte contre la fraude fiscale ? Il faut bien admettre que depuis 2008, le mur du secret bancaire s’est sérieusement lézardé et quelques coffres en Suisse ou ailleurs sont devenus bien transparents au goût de certains. Jérôme Cahuzac en est un bel exemple.
L’étau se resserre un peu partout mais la potion reste amère. Le Liechtenstein est ainsi disposé, bon gré mal gré, à discuter avec l'Union européenne d'un échange d'informations sur la clientèle de ses banques. Mais le Premier ministre a également dit que la principauté se montrerait dorénavant plus sélective pour ce qui est de conclure des accords fiscaux bilatéraux. Elle en a déjà passé une trentaine depuis 2009, au grand dam du secteur financier local qui y voit une capitulation pure et simple face aux pressions internationales.
Il reste que la lutte contre l’évasion fiscale a été érigée en priorité par la présidence britannique de l’Union européenne et devrait être au centre du sommet des chefs d’État et de gouvernement du G8 de juin en Irlande du Nord.
Les ministres des Finances de l'Union européenne ont donné leur accord la semaine dernière à l'ouverture de négociations officielles avec la Suisse, qui a déjà mis beaucoup d’eau dans son vin, et les autres paradis fiscaux que sont le Liechtenstein, Saint-Marin, Andorre et Monaco. Le Luxembourg et l'Autriche, deux pays membres de l'UE, avaient avant cela manifesté leur intention de revoir les principes de leur secret bancaire.
La lutte contre les fonds secrets prend également une forme plus policière
Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ont annoncé, le jeudi 9 mai, avoir mis la main sur des milliers, peut-être même des millions, de fichiers informatiques sur des comptes secrets dans des paradis fiscaux. Pour le moment, rien n’a filtré sur le contenu précis de ces documents sur les particuliers ou entreprises qui pourraient être mis à l’index. Le fisc britannique a toutefois relevé que ces données « dévoilaient l’usage intensif par de riches particuliers ou des entreprises de structures offshore complexes pour dissimuler des actifs » et a souligné que plus de 100 bénéficiaires avaient déjà été identifiés.
Dans leurs communiqués, les trois administrations fiscales ne précisent pas quand elles sont entrées en possession de ces fichiers. Selon Gérard Ryle, le directeur de l’ICIJ, elles les détenaient en réalité « depuis de nombreuses années ».
Colossal
« Il pourrait s’agir du début d’une des plus grandes enquêtes fiscales de l’histoire », a de son côté reconnu le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ). Son homologue américain, l’Internal revenue service (IRS), a précisé que Singapour, les Îles Vierges britanniques, les Îles Caïmans et les Îles Cook faisaient partie des juridictions visées par l’enquête. « Des conseillers fiscaux pourraient également être visés par des amendes civiles et des poursuites pénales pour avoir promu des techniques d’évasion fiscale », a prévenu l’IRS.
Justement - cela tombe bien -, Singapour, le quatrième centre financier "offshore" du monde, a annoncé l'adoption de mesures facilitant les échanges internationaux avec des pays étrangers sur les personnes soupçonnées d'évasion fiscale.
Une question se pose : jusqu’où les états iront-ils trop loin ? Une chose est de vouloir récupérer des capitaux baladeurs, une autre est de s’attaquer à l’argent blanchi de la drogue. Avec un chiffre d'affaires estimé entre 300 et 500 milliards de dollars, le trafic de drogue est devenu le deuxième marché économique au monde, juste derrière les armes, mais devant le pétrole.
Les bénéfices sont eux de l'ordre de 200 milliards de dollars et le blanchiment d'argent sale de 150 milliards. Les sommes en jeu sont colossales et les marchés sont des colosses certes, mais aux pieds si fragiles…
Antoine Laray
Journaliste économique et financier