De la crise depuis 2008 on retiendra des milliers de milliards d’actifs toxiques et la difficulté de s’en débarrasser, à moins que ce ne soit le rôle des autorités de contrôle et de la difficulté de les mettre en ordre de marche avec comme objectif, une exigence accrue vis à vis des banques. Donc tout va bien ? Voire.
Il est toujours embêtant de voir le président d’une grande banque centrale tenir des propos compréhensibles pour tous. Justement, le président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, Ben Bernanke, s’est inquiété du système bancaire occulte (« shadow banking »). Inquiété ? C’est plutôt vite dit, le propos est sans nuance : le « shadow banking » ferait peser une véritable menace sur la stabilité financière et Ben Bernanke de poursuivre en indiquant que la banque centrale surveillait de près toute une variété de marchés d'actifs afin de détecter tout signe éventuel d'une prise de risque excessive. « Les régulateurs et le secteur privé doivent résorber les poches de fragilité restantes », rajoute le gardien du temple dollar.
Stop ! De quoi parle-t-on ?
Le monde de la finance est incroyablement vivace.
Les banques sont soumises à des contraintes prudentielles de plus en plus exigeantes. Ce qu’on appelle Bâle 3, par exemple, est une obligation de liquidité, histoire de ne pas reproduire ce qui s’est passé depuis 2008, c’est-à-dire de voir des banques dans l’incapacité de couvrir leurs pertes. Sans compter qu’il leur est assigné par le régulateur une obligation de désendettement.
Votre argent intéresse aussi les assureurs et les mutualistes. Comme Bâle 3 pour les banques, Solvabilité 2 donne un cadre aux compagnies d’assurance et mutuelles : elles sont plutôt invitées à investir dans l'immobilier ou dans des produits de taux. Le faible rendement de la dette souveraine des pays euro de l'Europe du Nord, les conduit à privilégier des placements à long terme offrant de meilleurs rendements.
50 000 milliards ou 67 000 milliards ?
Face à un environnement jugé trop prenant, une grande diversité d'acteurs ( les entités qui font de l'intermédiation ou la distribution de crédits mais n'acceptent pas de dépôts et ne sont pas régulées comme des banques, les fonds capital-investissement, des fonds spéculatifs, des fonds d'investissements et autres fonds monétaires, les assureurs qui fournissent des garanties de crédits, etc.) ont trouvé un terrain d’entente pour transformer une réglementation qui les bride en placements qui les enrichit. Bref, tout ce petit monde s’est associé pour investir dans certaines classes d'actifs constitués de prêts à longs termes dans le domaine de l'immobilier, des financements d'infrastructures, des financements des collectivités locales ou des financements des entreprises (notamment les PME).
Bon là je coupe, ça devient compliqué et c’est rapé pour briller dans un repas de famille ! Pour résumer, l'épargne précède le crédit et non l'inverse. Nous sommes surtout, compte tenu de la diversité des acteurs, loin des rigueurs de la régulation bancaire. C’est le « shadow banking ». Le nom est inquiétant. Le Financial Stability Board estime à 50.000 milliards d'euros le montant des actifs gérés dans le cadre de ces activités de transactions de gré à gré non réglementées. D’autres sources donnent 67.000 milliards. La problématique n'est pas nouvelle. En février dernier déjà, Philippe Wahl, président du directoire de la Banque postale, déclarait, au cours d'une conférence consacrée à l'avenir des banques organisée par l'hebdomadaire britannique The Economist: « Nous savons d'où viendra la prochaine crise et la question est de savoir si nous agirons ou non ». Il rajoutait : « Je pense que cette crise viendra de la partie dite de « shadow banking » de l'industrie financière. Elle représente aujourd'hui 40% des encours de la finance au niveau mondial, elle est moins régulée, moins taxée et elle croît. »
Un économiste, fut-il banquier peut tenir des propos alarmistes, à chacun de le croire ou non, mais quand le Président de la Fed, qui sait que chacun de ses mots sera analysé, déclare qu’il faut encore prendre des initiatives pour que le marché de financement de gros puisse absorber les répercussions potentielles d'un défaut d'un grand établissement, on se dit qu’on n’en a pas fini avec la crise.
Antoine Laray
Journaliste économique et financier