Pourquoi La Courneuve (93) a porté plainte pour discriminations
Publié le Par Paris Dépêches
Hôtel de ville de La Courneuve
Grand Paris, discriminations liées au territoire, transformation de la ville… La Courneuve (93) est au cœur des problématiques urbaines qui font et feront l’actualité des villes de la petite couronne. Série de questions au maire communiste de La Courneuve, Gilles Poux.
Paris dépêches : Le 6 mai, La Courneuve a porté plainte pour discriminations auprès de la Halde, la "Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité" présidée par Louis Schweitzer. Les habitants se sont-ils reconnus dans cette démarche ?
Gilles Poux : Oui, franchement, on a eu un bon retour avant même de déposer la plainte. Les gens sont heureux que l’on tente de redorer l’image de leur ville. Vous savez, pour un jeune qui cherche un établissement scolaire, ce n’est pas un avantage de dire qu’il vient de La Courneuve. Ma fille a par exemple voulu s’inscrire dans une école d’architecture parisienne il y a quelques années : on lui a fait comprendre qu’elle n’était pas d’ici, qu’il fallait qu’elle retourne chez elle… Les Courneuviens sont toujours obligés de se justifier. Tout cela découle de l’image de cette commune fortement marquée par des aménagements liés à des décisions d'Etat : les deux autoroutes A1 et A86 ont par exemple fracturé la ville, l’ont rendue complexe.
Grâce au dépôt de cette plainte, les gens ont eu la possibilité de dire ce qu’ils ont sur le cœur. Louis Schweitzer et venu mardi dernier pour une réunion publique : les interpellations étaient vraiment très fortes, avec des témoignages de jeunes et de moins jeunes.
Louis Schweitzer (à gauche) et Gilles Poux (à droite) le 8 septembre dernier à La Courneuve.
© Ville de La
Courneuve/Gérard Vidal
Qu’elle est la prochaine étape du processus ?
On va maintenant instruire notre dossier de façon contradictoire avec la Halde. Nous allons défendre trois domaines. D’abord, l’éducation : on veut interpeller le ministère pour obtenir une mise à plat et un renforcement des moyens sur notre territoire. Deuxième champ de travail : l’accès à l’emploi. La "discrimination à l’adresse" est-elle une réalité ? Nous allons essayer de démontrer qu’elle peut parfois exister et qu’elle n’est pourtant toujours pas illégale en France. Ce n’est pas un délit ! Nous voulons faire bouger les lignes dans ce domaine.
Enfin, l’urbanisme : nous militons pour une réparation des aménagements qui ont fractionné La Courneuve comme les deux autoroutes A86 et A1 et la cité des 4000.
Le Grand Paris peut-il réparer les erreurs du passé dans ce domaine ?
Il peut être une vraie opportunité de réconciliation entre la Capitale et toute la première couronne. On va peut-être enfin pouvoir effacer le périphérique, qui est encore une frontière mentale, sociale… Le Grand Paris peut être une vraie chance, mais il ne faut pas que la population et les élus soient exclus des choix pris dans des comités gouvernementaux restreints. Tout l’enjeu est là. Il faut instruire une démarche partagée et démocratique et éviter "le fait du prince".
On vous consulte ?
Pour l’instant, on ne nous demande pas trop notre avis. On a des choses à dire pourtant. Il est par exemple prévu la création d’une société d’aménagement du Grand Paris qui sera dotée de 4 milliards d’euros. La moitié apportée par l’état, l’autre par les partenaires… N’auront le droit à la parole dans cette société que ceux qui seront capables d’apporter 5%. 5% de 4 milliards, cela fait 200 millions. Hormis la Région, je ne vois pas qui pourra payer ! Cela veut dire que les Villes, les Départements et les intercommunalités arriveront en deuxième rideau. C’est très préoccupant.
Une dernière chose : cette dynamique doit permettre de résorber les inégalités sociales, pas de les renforcer. J’y tiens, l’ascenseur social doit être au cœur du processus.
Les archives des Affaires étrangères seront maintenant stockées et valorisées dans un bâtiment de La Courneuve inauguré le 3 septembre par Bernard Kouchner… C’est une fierté ?
Oui, je suis heureux parce que c’est un projet que nous avons initié. En 1999 madame Muguette Jacquaint, députée, avait rencontré des gens du ministère qui cherchaient des terrains. Elle leur a dit tout naturellement de venir à La Courneuve. On leur a présenté la ville, la mayonnaise à pris… et voilà ce patrimoine unique au monde est maintenant dans notre ville.
Je suis content pour elle : des chercheurs et des diplomates du monde entier vont venir ici… Cela contribue à valoriser notre territoire où il peut se passer des choses autres que des feux de poubelles.
Bernard Kouchner a déclaré que La Courneuve était une "ville du futur". C’est quoi une ville du futur ?
C’est une commune, comme la nôtre, en mutation. Elle se reconstruit, elle panse les plaies du passé, elle les résorbe… Elle renaît, elle a donc un avenir.
Le site de La Courneuve spécial Halde