Dominique Bertinotti est atteinte d'un cancer

Le gouvernement n'a absolument rien vu. Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, souffre d'un cancer depuis le mois de février 2013, comme elle l'a révélé dans un entretien accordé au journal "Le Monde" aujourd'hui. Elle entame cette semaine sa dernière séance de chimiothérapie.

Le verdict des médecins est tombé en plein projet du mariage pour tous, en février dernier. Alors que Dominique Bertinotti fait une mammographie de routine, le radiologue lui demande de faire analyser ses tissus, les images se révélant "suspectes". Un vrai bouleversement dans la vie de la ministre: "Je n'avais rien, aucun signe. Et puis à un moment, sans transition, vous devenez un malade. Vous entrez bien portante, vous ressortez dans un autre monde. Ça vous tombe dessus et ça ne s'arrête plus, les examens, l'IRM, les sueurs froides, les résultats qui font peur. Vous prenez tout sur la tête".

Elle a tenu à informer le président de la République de sa maladie le 2 mars 2013, jour de sa première chimiothérapie: "J'ai un cancer. Je suis entrée dans une phase de traitement. Je souhaite que cela reste strictement entre nous". François Hollande s'est donc plié à sa volonté.

Durant des mois durant, en particulier lors des 17O heures de débats sur le mariage pour tous et la contestation populaire où elle est propulsée sur le devant de la scène, mais fait illusion: personne au gouvernement n'était au courant de sa maladie, ni même ses quelques amis comme Ségolène Royal. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, ne l'a appris qu'il y a deux semaines, "éberlué".


Sa peur? "Être réduite à un cancer".


Femme de caractère et courageuse, elle ne voulait pas, en révélant sa maladie qu'on ne voit que le cancer en elle. Après sa deuxième chimiothérapie, elle perdait tellement de cheveux qu'elle s'est rasée la tête. Elle était attendue le lendemain à l'Assemblée Nationale, pour une séance de questions au gouvernement: "Vous vous levez, vous êtes filmée, il y a un public qui ne regarde que vous. On vous a répété que la perruque était très bien faite mais vous êtes sûre qu'elle va tomber. Là, je me souviens, je me suis dit : "Reste neutre, il ne faut surtout pas que tu bouges""Les parlementaires n'y voit que du feu.

C'est donc un véritable combat qu'elle livre des mois durant contre la maladie, mais aussi contre elle-même. Elle s'est organisée pour pouvoir se soigner tout en continuant à travailler. Les lendemains sont durs : cheveux et sourcils qui tombent, perte du goût, vertige, ... : "C'est une maladie qu'on ne peut pas oublier. Ministre, pas ministre, ça vous atteint dans votre chair" a-t-elle avoué au journaliste du "Monde".

Si elle a choisi de révéler sa maladie aujourd'hui dans la presse, c'est pour changer le regard de la société sur le cancer: "Pour montrer qu'on peut avoir un cancer et continuer une vie au travail. Pour que les employeurs comprennent que la mise en congé longue maladie n'est pas forcément la meilleure des solutions. Pour qu'il y ait moins de peur, plus de compréhension. Pour qu'on réfléchisse sur les inégalités face au coût des traitements de confort, comme le vernis spécial pour les ongles ou la perruque, qui sont si importants." dit-elle.

Le cancer, un tabou dans la classe politique

Si un Français sur trois aura un cancer dans sa vie, cela reste néanmoins tabou chez les hommes et femmes politiques. Avant de révéler son cancer de la prostate en 1992, François Mitterrand avait fait mentir son médecin pendant près de dix ans. Un silence de "l'ordre de l'intime" pour la ministre Dominique Bertinotti.