La mère de famille de la présidentielle

Je veux "diriger le pays en mère de famille", a assuré Marine Le Pen, samedi, en Eure-et-Loir. Peut-on imaginer image plus rassurante ? La candidate se promet de nous protéger de la mondialisation, de l'insécurité, de l'immigration, de l'islamisme, des éoliennes... Dormez bien, les enfants, je m'occupe de tout ! Une campagne "en chaussons", a ironisé Gabriel Attal. Et pourquoi pas dans un profond fauteuil avec un gentil chat sur les genoux...

Mais les Français découvrent peu à peu une réalité différente. Marine Le Pen a bénéficié, avant le premier tour, de la candidature d'Éric Zemmour qui, par ses nombreux dérapages et son radicalisme identitaire, a attiré la foudre sur lui, faisant du Rassemblement national un parti de droite… dure. Maintenant que le paratonnerre est tombé du toit, le brouillage devient plus difficile. Les économistes ont commencé à analyser plus en profondeur le programme de la candidate et constatent qu'il mènerait à un désastre : 68,3 milliards d'euros de dépenses face à des recettes qui ne sont pas réellement documentées ou qui sont totalement aléatoires (prises sur l'immigration ou tirées de la lutte contre la fraude). Marine Le Pen avait su, habilement, surfer sur les craintes des Français pour leur pouvoir d'achat, mais sa proposition de baisser autoritairement les prix sur les carburants, le fioul, le gaz et l'électricité et de pratiquer une TVA à taux zéro pour des produits de première nécessité (qui en ferait le panier ?) aurait de terribles effets pervers.

On a le tournis !

La candidate, devenue trop confiante, a eu la mauvaise idée de tenir une conférence de presse sur la démocratie. Son hostilité envers les journalistes et certains médias en particulier ("Quotidien", "Libération"…) est alors apparue au grand jour. Pire : elle a voulu en tenir une autre sur la politique étrangère qu'elle entend mettre en œuvre. Le meilleur moyen de nous rappeler sa proximité avec le "boucher" du Kremlin ! Des couacs, des contradictions, des rétropédalages sur le port du voile, la peine de mort, les retraites (Macron, pas mieux !), les éoliennes… La liste s'allonge chaque jour.

Il reste deux points cruciaux. L'Europe, d'abord. Marine Le Pen veut "renégocier les traités européens". Le droit national, selon elle, doit primer sur le droit européen. Le coq gaulois sera-t-il, dans les mois qui viennent, si combatif que tous les autres accepteront d'en faire leur champion ? ! François Hollande, souvenons-nous, avait voulu changer (un peu) l'Europe après son élection à la présidentielle de 2012. Il avait dû reculer face à l'Allemagne de Merkel. En réalité, les juristes et experts européens assurent que la France, devant son prévisible échec, serait alors poussée au… Frexit ! Il suffit de demander aux Britanniques s'ils ne regrettent pas aujourd'hui le Brexit !

La Constitution, ensuite. La candidate propose de la réformer par référendum, ce qui n'est pas conforme à la… Constitution. C'est clairement le moyen de changer le régime politique à sa main. À la hongroise ! En remplaçant la République par un État illibéral, raciste, xénophobe, reniant les valeurs suprêmes de la Révolution et jetant les Droits de l'Homme aux poubelles de l'Histoire.

Au total, c'est l'incompétence qui ressort sur fond d'aventurisme. Sur ses affiches électorales, Marine Le Pen se présente d'ores et déjà en "Femme d'État", C'est pour le moins prématuré. Elle n'a jamais travaillé dans l'appareil d'état et n'a pas dirigé le moindre ministère. Disons que, pour l'heure, c'est une mère de famille, d'extrême droite, qui veut loger à l'Élysée au détriment de la France elle-même.

Patrick Béguier,

journaliste et écrivain

Dernier livre paru : "Mer Courage" chez Geste éditions