Présidentielle : le débat fut confus
Publié le Par Fabrice Bluszez
Sofiane Zemmouchi
Le débat avant le second tour de la présidentielle a été un long pugilat. Les attaques répétées de Marine Le Pen n'ont pas fait perdre son calme à un Emmanuel Macron plus technicien.
« In French debate, insults fly », « dans le débat français, les insultes volent », a titré le quotidien américain Washington Post, résumant en quelques mots l'ambiance sur le plateau de télévision, ce mercredi 3 mai après 21 heures. Tout de suite après 21 heures, d'ailleurs, puisque Marine Le Pen, première à parler, a immédiatement attaqué son concurrent, uilisant aussi son temps de parole libre, en fin de débat, pour relancer une ultime salve.
Le Figaro
La candidate soutenue par le FN a ensuite cherché à stigmatiser Emmanuel Macron sur son parcours professionnel, citant notamment « la froideur du banquier d'affaire ». « Je suis la candidate du pouvoir d'achat. Vous êtes le candidat du pouvoir d'acheter. Tout n'est pas à vendre tout n'est pas à acheter. La France c'est bien autre chose. Moi, je rendrai leur argent aux Français », a-t-elle lancé. Une tirade sur laquelle la candidate a tenté de s'appuyer pour dénigrer le projet économique de son adversaire: « Monsieur Macron, vous défendez des intérêts privés, et derrière cela il y a la casse: les délocalisations ». Avant de marteler: « Dépecer des entreprises, c'est ce que vous faites le mieux: assumez-le ! » L'ex-présidente du FN a ensuite tenté d'élargir l'esclandre aux sujets de société: « Dans votre société Monsieur Macron, tout est à vendre et à acheter: d'abord les ventres, comme l'a dit Pierre Bergé ».
Libération
Le nez dans ses notes, hésitante sur sa réponse, Marine Le Pen a sombré quand Emmanuel Macron l’a poussé sur la question de la sortie de l’Euro. Elle se mélange les pinceaux sur la différence monnaie nationale et monnaie commune. « C’est un panier de… euh, de euh… Monnaies communes », bafouille-t-elle expliquant que les « entreprises » pourront payer en euro à l’international et en franc leurs salariés. « C’est n’importe quoi Mme Le Pen », lui a rétorqué Macron.
La Croix
« Vous n’êtes pas la candidate de l’esprit de finesse » ni « de la volonté d’un débat démocratique équilibré et ouvert », lui a alors répondu Emmanuel Macron opposant « l’esprit de conquête » à « l’esprit de défaite » de la présidente du FN qui serait « d’expliquer à nos concitoyens que c’est trop dur la mondialisation pour nous, c’est trop dur l’Europe, donc on va se replier, on va fermer les frontières, on va sortir de l’euro, de l’Europe parce que les autres y arrivent mais pas nous », accusant Marine Le Pen d’avoir « profité de la détresse des gens » – le gimmick d’Emmanuel Macron – et d’être « l’héritière d’un système, d’un parti, d’un nom ». « Face à cet esprit de défaite », Emmanuel Macron déclare porter « l’esprit de conquête français, parce que la France a toujours réussi dans le monde ».
FranceTVInfos
« Vous avez une complaisance pour le fondamentalisme islamiste », fustige un peu plus tard dans l'émission Marine Le Pen, au cours d'un vif échange sur la sécurité et le terrorisme. La candidate du Front national y affirme que l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) a apporté son soutien à Emmanuel Macron. « Je ne connais pas les dirigeants de l'UOIF, je ne les ai jamais rencontrés et à ma connaissance, le dernier parti politique qui les a faits participer à des colloques c'est le Front national avec Monsieur Aliot », rétorque alors Emmanuel Macron.
20 Minutes (Suisse)
Parmi les punchlines envoyées par les candidats, on retiendra : « Vous êtes jeune à l'extérieur, mais vieux à l'intérieur. Vos arguments ont le double de votre âge », de Marine Le Pen à Macron. « Le parti des affaires, ce n'est pas le mien », a aussi envoyé Macron lors d'une autre discussion houleuse sur les affaires. « J'espère qu'on apprendra pas que vous avez un compte offshore aux Bahamas », a fini par lancer Le Pen. « Soumettez-vous. Vous êtes le candidat à plat ventre en permanence ! Devant les banques, devant l'UOIF, devant l'Allemagne ! »
« On vous demande une carte blanche et vous salissez l'adversaire », a répondu Emmanuel Macron en guise de conclusion.
The Times (Royaume-Uni)
Même titre à Londres qu'à New York : "Les insultes volent."
Le Soir (Belgique)
La candidate du FN n’avait rien à perdre. Elle a joué les bulldozers comme si sa mission n’était déjà plus d’espérer l’Elysée mais déjà de s’ériger en plus virulente opposante du prochain Président et en espérant ainsi un maximum de députés aux législatives en juin. Mais pour le leader d’En marche !, le défi était autre. Il s’agissait d’enfiler le costume présidentiel. En cela, Marine Le Pen ne l’aura pas aidé. Avec seulement 24 % des voix au premier tour, il sait qu’il doit conquérir l’adhésion d’une majorité de Français qui ne vont le choisir que pour faire barrage au FN. Paradoxalement, sa supériorité évidente lors du débat ne l’aura pas amené à la posture d’humilité qui aurait facilité ce rassemblement. Face à une telle adversaire, il n’aura pas non plus toujours pu s’ériger à la hauteur de l’instant. C’est bien tout ce qu’aura gagné Marine Le Pen.
Selon un sondage de 20 Minutes auprès de téléspectateurs, 63% considèrent qu'Emmanuel Macron s'est montré le plus convaincant, contre 34% pour Marine Le Pen. Sur RTL, Macron atteint 68%.