Dès le départ, Jean-Luc Mélenchon a préempté le couloir le plus à gauche. Il court à son rythme sans se soucier de ses adversaires. Emmanuel Macron, bien que se disant "En Marche !", hésite encore et ne pourrait être intéressé, de toute façon, que par le couloir extérieur ("Je ne suis pas socialiste", vient-il d'affirmer). Au milieu, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg se marchent déjà sur les pieds. Quelques autres se sont lancés dans la course (Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche, François de Rugy, Jean-Luc Bennahmias), mais n'ont pas les jambes pour aller jusqu'au bout. Qu'importe, pensent-ils, l'essentiel est de participer au débat d'idées. Une façon de reprendre pour soi la célèbre formule du baron Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux Olympiques.
De drôles d'olympiades, en vérité, car on ne sait toujours pas si le champion de 2012 remettra son titre en jeu ou s'il se contentera d'une médaille dont l'or, depuis, a sérieusement pâli. Il semble, pourtant, qu'il se prépare. Les autres devront attendre décembre pour voir si François Hollande sort enfin des vestiaires. De quoi user ses forces en tournant en rond ! C'est sans doute ce qu'espère l'actuel président : venir de derrière et battre, au finish, des concurrents essoufflés, en portant le dossard du nécessaire rassemblement de la gauche. Encore faut-il avoir de bonnes forces pour espérer l'exploit. François Hollande avait lié son destin politique à l'inversion de la courbe du chômage. Il pourrait in extremis lever cette hypothèque. Mais la loi Travail n'a toujours pas été digérée par les syndicats et alourdira ses foulées. Bien pire ! Si un ou plusieurs attentats se produisent à l'automne et révèlent de graves lacunes dans le dispositif sécuritaire adopté, il aura les jambes coupées. Il est déjà loin le temps où de tels événements resserraient la Nation autour de son président. Dans un pays traumatisé, gagné par la peur, les Français accuseront d'impuissance le pouvoir en place.
Starting-blocks
Dans un tel contexte, la droite se sent pousser des ailes !
Il en est un qui piaffait derrière la ligne de départ depuis des mois. Personne ne doutait de l'entrée en course de Nicolas Sarkozy. Il n'a même pas pu attendre, comme prévu, le meeting de jeudi à Châteaurenard, dans les Bouches-du-Rhône, pour déclarer sa candidature à la primaire de la droite. Lundi, il a calé deux exemplaires de son livre "Tout pour la France" en starting-blocks et s'est élancé tel un sprinter. La surprise dans la non-surprise ! Un coup médiatique en espérant un coup politique ! Car il est persuadé que ses principaux concurrents, qui courent, eux, depuis de longs mois, seront tétanisés par ce démarrage brutal, qu'ils se désuniront dans l'effort, paniqueront peut-être en voyant sortir du virage les coéquipiers du challenger (comme par hasard, depuis hier, ils sont de plus en plus nombreux à afficher leur soutien).
Mais en partant très fort dans une compétition qui durera jusqu'en novembre, Nicolas Sarkozy risque de perdre un peu de sa légendaire énergie dans les derniers tours de piste. Alain Juppé, qui a choisi une course prudente (trop prudente ?), ne devrait pas forcer sa foulée de marathonien pour coller aux crampons du sprinter. Il est toujours en tête (baromètre Ipsos pour Le point). Les deux autres concurrents sérieux - Bruno Le Maire et François Fillon - sont toujours dans la course, mais pour l'heure nettement distancés. Ils ont bien tenté ici et là des accélérations en fonction de l'actualité, mais sans résultat probant. Rien n'est perdu, toutefois. Ce type de compétitions peut réserver des surprises et les deux favoris peuvent chuter au moment où l'on s'y attend le moins. N'oublions pas, notamment, que Nicolas Sarkozy est mis en examen dans deux affaires politico-judiciaires et qu'il est visé par d'autres enquêtes.
Spectacle et suspense garantis ! Que regardera avec attention et en silence une certaine Marine Le Pen...
Patrick Béguier est journaliste politique et écrivain.
On peut le suivre sur Twitter : @BeguierP