Le président de la République commence très mal sa semaine. À peine a-t-il fini de dévoiler des plaques commémoratives en se présentant comme le "père de la Nation" face au terrorisme, que plusieurs personnalités de gauche sortent les couteaux. Car l'appel lancé dans Libération pour une primaire des gauches et de l'écologie avant l'élection présidentielle de 2017 ne trompera personne. "Nous refusons la passivité face à l'abstention, au vote Front national et à la droitisation de la société", annoncent Daniel Cohn-Bendit, l'écologiste Yannick Jadot, l'économiste Thomas Piketty et la quarantaine d'autres signataires de la pétition, mais entre les lignes, au delà de considérations générales, se glisse une idée très précise : François Hollande doit entrer en compétition avec d'autres. Le fait d'être président en exercice ne le désigne pas d'office comme candidat de la gauche en 2017. Traduction plus claire encore : il est en situation d'échec et ne pourra pas rassembler sur son nom suffisamment de suffrages pour accéder au second tour face à la droite et à l'extrême droite. Il faut donc réveiller la gauche toute entière et trouver le candidat "incarnant le projet positif dont la France a besoin pour sortir de l'impasse".
Sous quelle bannière ?
Le coup n'est pas mortel, mais il est terrible. Les députés "frondeurs", qui depuis plusieurs mois avaient mis leurs récriminations en sourdine, vont se sentir requinqués. Le premier secrétaire du Parti socialiste, dont aurait pu attendre une réaction plus vive à cet appel, s'est contenté de dire qu'une telle primaire n'était "pas impossible", mais "peu probable". Il est vrai que Jean-Christophe Cambadélis nous a déjà montré qu'il savait surfer sur les plus grosses vagues ! Bien sûr, il ne s'agit que d'un texte lancé au peuple de gauche telle une bouteille à la mer. Rien ne prouve aujourd'hui que beaucoup de Français voudront la récupérer. D'autre part, on voit mal qui pourra organiser avant la fin de cette année une telle compétition. Le… PS ? Et avec quelles garanties ? Il n'est pas facile de tracer à plusieurs le cadre d'un vote supposé démocratique, puis d'en formaliser les conditions pratiques et d'en assurer l'accessibilité la plus large. Les socialistes en ont fait l'expérience avant la présidentielle de 2012, puis Les Républicains à leur tour. Question subsidiaire, en réalité fondamentale : qui, en ce mois de janvier 2016, est capable de réunir sous sa bannière toute la gauche, de Mélenchon à Macron en passant par Duflot ?…
Si une telle primaire demeure plus qu'incertaine, il reste une certitude majeure : l'image de François Hollande n'en finit pas de se dégrader. Face à tous les représentants de la Nation, il a annoncé toute une série de mesures pour combattre le terrorisme et s'est lancé dans l'incroyable aventure de la déchéance de nationalité. On a vu depuis à quelles polémiques cette initiative a donné lieu. À droite, évidemment, mais plus grave : dans son propre camp, qui a été jusqu'à imaginer l'apatridie ! Le président de la République, au vu des sondages d'opinion, pensait jouer sur du velours. Voilà qu'il risque de se retrouver au tapis lors du vote du Congrès ou d'obtenir gain de cause grâce à la droite et (ne l'oublions pas) à l'extrême droite toute heureuse de voir son souhait se réaliser. Comment s'étonner dès lors que des gens de gauche aient des démangeaisons insupportables et souhaitent tourner définitivement la page Hollande !
Dernière offensive
La bataille pour l'emploi parviendra-t-elle in extremis à le sauver ?
Le président de la République a décrété lors de ses vœux de fin d'année "l'état d'urgence" contre le chômage et annoncé 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi. C'est, clairement, la dernière offensive avant la fin du quinquennat. Après, ce sera trop tard.
Premier bénéfice attendu : de nombreux inscrits passeront de catégorie A en catégorie D et on pourra enfin infléchir durablement la fameuse courbe du chômage, le sine quoi non que François Hollande s'est imposé à lui-même pour se représenter. La ficelle est un peu grosse et il n'est pas sûr que les Français soient convaincus par cette opération de la dernière chance, d'autant qu'ils en voient le coût immédiat (1 Mds d'euros) et qu'en revanche, l'offre espérée de dizaines de milliers d'emplois ne sera pas immédiate. Et voilà que, cherchant à profiter de la situation, les organisations patronales tentent une nouvelle fois de pousser leur avantage. Elles veulent, entre autres, un contrat de travail "agile" (sic) et un plafonnement des indemnités prud'homales.
Le "père de la Nation" est cerné de toutes parts. Qui lui dira : "Père, gardez-vous à droite !… Père, gardez-vous à gauche !"
fakrys
11/01/2016 18:14
il y a au contraire de grandes chances qu'il soit à l'origine de la manoeuvre dans laquelle il a tout à gagner!!!
que ça ait lieu ou non: une primaire lui donnerait une victoire écrasante en neutralisant à gauche donc lui assurant une présence au 2nd tour! mieux il perturberait la primaire de droite et lui permettrait de faire campagne sans avoir besoin de la faire et une pré campagne électorale non comptabilisée dans on budget de campagne! Machiavel dans ses oeuvres...