Présidentielle : le cercle d’influence extrémiste autour de Nicolas Sarkozy.
Publié le Par Jennifer Declémy
La droitisation de la campagne de Nicolas Sarkozy commencée dès la semaine dernière, est essentiellement dûe à l'influence d'une seule personne : Patrick Buisson, idéologue de l'Elysée, mais les personnalités d'extrême-droite fleurissent autour du candidat UMP.
Nicolas Sarkozy est donc candidat à l'élection présidentielle et il a pris, pour l'aider à reconquérir l'Elysée, les mêmes personnes qui avaient fait son succès en 2007. Mais entre Henri Guaino et Patrick Buisson, deux orientations différentes se dessinent. Si la plume gaulliste a tenté d'imposer son influence républicaine auprès du locataire de l'Elysée, preuve en est aujourd'hui qu'il a perdu la bataille des idées, remportée aujourd'hui par plusieurs conseillers qui droitisent le discours du président-candidat.
- Patrick Buisson.
On l’appelle le gourou de Nicolas Sarkozy, son conseiller de l’ombre et pourtant il est inconnu du grand public. Agé de 61 ans, l’ancien journaliste qui occupe le titre de « conseiller extérieur », est aussi directeur du cabinet Publifact et le patron de la chaine télé Histoire. Cet ancien journaliste du journal d’extrême-droite Minute est devenu indispensable au Président de la République depuis 2007, depuis qu’il l’a aidé à siphonner les voix du Front National et donc de remporter l’élection présidentielle. De manière générale, Patrick Buisson intervient auprès du chef de l’état quand ce dernier connait une baisse de régime, et sert à réorienter l’UMP vers des thèmes traditionnels : insécurité et immigration.
Drogué aux sondages, il sait les décrypter comme personne et a su, à ce titre, se créer une place privilégiée auprès de Nicolas Sarkozy. Il a réussi à attirer son attention en 2005 quand, à contre-courant de la sphère politico-médiatique, il lui a prédit une large victoire du ‘non’.
Spécialiste incontournable du Front National, il est donc intervenu pendant la campagne de 2007, puis est revenu dans l’orbite présidentielle après l’hécatombe des régionales, et des cantonales 1 an plus tard. Et c’est donc lui qui a inspiré le discours de Grenoble en juillet 2010, mais aussi la « chasse aux voix FN » qui s’est ouvert ces derniers temps à l’UMP.A l’occasion des cantonales, et alors que l’UMP se divisait entre ceux qui appelait à voter ni PS ni FN, et ceux qui appelaient à voter républicain (Valérie Pécresse, NKM ou François Fillon), lui déclarait, un rien méprisant « avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste ». Autrement dit si Nicolas Sarkozy était éjecté du second tour au profit de François Hollande et Marine Le Pen, Patrick Buisson n’appellerait certainement pas à voter socialiste.
Car une autre caractéristique de ce gourou extrémiste, c’est aussi une haine de la gauche particulièrement vivace, qu’il a notamment développée sous les deux septennats de François Mitterrand, et qu’il a pu exprimer dans les colonnes de son journal. Sa marotte ? Décrypter les patrimoines des dirigeants socialistes pour tenter de trouver la petite bête, mais aussi attaquer le président socialiste sur son dilletantisme. Il accuse Gaston Deferre d’avoir instauré à Marseille « le règne des copains et des requins » et d’être impliqué dans la tuerie d’Auriol. Une autre cible, les fonctionnaires qui forment « une caste » et dont il adore dénoncer les privilèges. Ca nous rappelle la « nomenklatura dorée » de Marine Le Pen, lui qui utilisait les mêmes termes.
Mais Patrick Buisson c’est aussi et surtout une connaissance aigue de l’électorat du Front National qu’il définit comme « composée d’une droite radicalisée et pour l’essentiel d’un électorat populaire qui n’a rien à voir avec l’extrême-droite (…) le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant (…) nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience ». Propos qu’on dirait tout droit sorti de la bouche de Marine Le Pen, la véhémence en moins. Et d’ailleurs, il connait très bien le Front National et ses leaders, il a eu l’occasion d’inviter Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen dont il aime à décrire la percée dans la vie politique. Et il est aussi un ancien ami du leader du Front National qu'il a donc beaucoup cotoyé
En 2012 encore une fois il sera aux premiers rangs des conseillers de Nicolas Sarkozy, à qui il devrait conseiller d’axer son discours sur l’immigration, la laïcité et le pouvoir d’achat. Pour les deux premiers, il peut souffler, on les retrouve dans l’interview fleuve du Figaro Magazine. Mais la mission principale de ce conseiller sera de faire en sorte que son champion réussisse à convaincre les électeurs des classes populaires, ceux qui sont nostalgiques de la vie d'avant, qui apprécient les valeurs traditionnelles.
- Guillaume Peltier.
Il est la nouvelle tête pensante de l’UMP, un nouveau venu dans le cercle des premiers conseillers de Nicolas Sarkozy, mais il gagne sans cesse en importance au point de tenir une place de choix dans le dispositif de campagne du Président. Surnommé « Monsieur sondages » par les membres de la majorité, il est surtout connu pour son passage au Front National.
Ancien des jeunesses du FN, ancien proche de Philippe de Villiers, membre de l’UMP depuis seulement 2009, cet homme de 35 ans a su ravir les marches du pouvoir quatre à quatre pour abreuver d’idées nouvelles les ténors de la majorité. Mais il a été bonne école : ses mentors s’appellent Patrick Buisson et Brice Hortefeux, ce dernier lui a d’ailleurs accordé une place de choix dans la cellule riposte de l’Elysée.
Initialement professeur d’histoire, il est aussi aujourd’hui fondateur de la société de sondages Com1+. Le même itinéraire que Patrick Buisson dont il partage d’ailleurs la stratégie et les idées. Comme ce conseiller, Guillaume Peltier travaille à infléchir la campagne vers la droite et est persuadé que la campagne se jouera sur l’électorat populaire. Avec Buisson, il a inspiré le discours de Grenoble.
A l’UMP il assure aussi un rôle de calinothérapie auprès des ténors qui, sondage après sondage, voient leurs chances de rester au pouvoir s’affaiblir comme une peau de chagrin. Toutes les semaines il tient un point « décryptage politique » pendant lequel il analyse à son tour ces sondages qui rendent chagrin pour les détourner dans le bon sens et redonner espoir. C’est lui par exemple qui a émis la théorie selon laquelle, à l’instar du vote FN, le vote Sarkozy était devenu un acte honteux pour les électeurs qui cacheraient donc ce désir de voter UMP, ce qui abaisserait donc les intentions de vote en sa faveur alors qu’elles devraient être bien plus hautes.
De même, à chaque événement qui démobilise la majorité, il se charge de trouver les arguments qui vont leur remonter le moral : la primaire socialiste n’a attiré que trois millions de votants, François Hollande va s’effondrer, François Hollande n’a plus rien à dire, Nicolas Sarkozy va reconquérir l’électorat avec sa posture de capitaine-courage, Nicolas Sarkozy va gagner en siphonnant de nouveau les voix d’extrême-droite…
C’est ainsi qu’on retrouve aujourd’hui Guillaume Peltier, à chaque déplacement des ministres ou ténors UMP. Les élus ne peuvent plus se passer de lui, de ses analyses et ses fiches d’opinion. Son carnet est désormais bien rempli et cela lui donne suffisamment de courage pour se présenter aux législatives en juin prochain, à Tours. Des ministres, comme Laurent Wauquiez, NKM ou Thierry Mariani ne peuvent plus se passer de lui et s’inspirent de lui pour distiller toutes sortes de propositions : la pétition contre le droit de vote des étrangers aux élections locales c’est lui ; le fichier contre les fraudes sociales c’est lui aussi.
Mais Guillaume Peltier, c’est aussi un proche de Jean-François Copé qui l’aide à rédiger son ouvrage Un député, ça compte énormément, et qui lui souffle à l’oreille les concepts de « hyperparlement » et de « Ve république bis ». Pourtant, certains humanistes de l’UMP hésitent encore à frayer avec lui tant certaines de ses positions passées sont discutables : chez Laurent Ruquier il s’insurge contre « l’islamisation rampante » de la société et dénonce alors « le bilan désastreux de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité ».
Mais aujourd'hui fini les bêtises de jeunesse jure Guillaume Peltier, une main sur le coeur et un sourire juvénile sur un visage encore très jeune. Peltier, c'est le "bébé Buisson" murmurent certains. Mais déjà une sacrée expérience : directeur de campagne de Philippe de Viliers, il cotôya même Jean-Marie Le Pen à une certaine époque. Mais ça ne dérange pas les ministres qui balaient d'un revers de la main "une erreur de jeunesse". Idem pour Nicolas Sarkozy qui en fera donc un porte-parole thématique, aux côtés de NKM
- Maxime Tandonnet.
Encore moins connu que les deux autres, le conseiller immigration de Nicolas Sarkozy n’en a pas moins une grande importance dans la trajectoire politique de ce dernier. Haut fonctionnaire âgé d’une cinquantaine d’années, il est la plume de l’infamant discours de Grenoble, celui-là même qui distingue les français d’origine étrangère et qui établit un lien direct entre délinquance et « cinquante années d’immigration insuffisamment régulée ».
Contrairement aux deux premiers, ce conseiller affirme un rejet net du Front National et n’a à son actif aucun passé de membre d’un quelconque groupuscule d’extrême-droite. Un seul discours permet de semer le doute : immigration et insécurité sont inséparables, la majorité des délinquants étant d’origine étrangère.
C’est sur le sujet de l’immigration donc que Maxime Tandonnet aura réussi à profondément influer sur le Président de la République : slogan d’immigration choisie, création d’un ministère immigration et identité nationale mais aussi argumentaire sur l’instauration de tests ADN dans le cadre du regroupement familial (les amendements Mariani).
Incollable sur le sujet, le haut fonctionnaire aime à dénoncer le métissage, qu’il a en horreur car « le principe du métissage est destiné à banaliser, rendre acceptable une société multiethnique (…) Il sert d’habillage idéologique à une réalité préoccupante pour notre pays : sa tribalisation croissante (…) résultat des migrations incontrôlées d’hier et d’aujourd’hui ».
Dans la même veine, Tandonnet réclame le rétablissement du contrôle aux frontières de l’Europe, la suppression des visas pour les pays qui refusent de reprendre les migrants expulsés par la France ou la suppression définitive des régularisations collectives.
D’abord passé par le mouvement de Philippe de Viliers, ce n’est qu’en 2005 que l’ancien énarque a rejoint Nicolas Sarkozy. Cependant, après le discours de Grenoble il a quitté l'Elysée en août 2011, sur pression de Xavier Musca qui lui rapprochait son positionnement trop à droite.
- Claude Guéant.
Il est le rabatteur des voix Front National de Nicolas Sarkozy, propulsé place Beauvau l’année dernière, et qui enchaine depuis lors les polémiques qui lui ont valu une carte de membre d’honneur du FN par sa patronne Marine Le Pen. Ancien directeur de campagne en 2007, il se donne aujourd’hui le rôle de ramener à la maison les électeurs frontistes qui avaient voté Sarkozy en 2007 et veulent voter Le Pen cette année.
Il est le premier ministre de l’intérieur à se prononcer pour la diminution du nombre d’immigrés en France, déclarant à ce sujet « j’ai demandé à ce qu’on réduise le nombre de personnes sur le territoire admises au titre d’immigration du travail (…) et nous allons continuer à réduire le nombre d’étrangers venant en France au titre du regroupement familial ». Sur le même ton, il prône la diminution du nombre de sans-papiers et trouve que le droit d’asile est beaucoup trop généreux dans notre pays. A son actif, on compte également des débordements sur la laïcité, thème que chérit Marine Le Pen.
Le plus intriguant cependant à l’égard du ministre, c’est le vocabulaire d’extrême-droite que l’on retrouve systématiquement dans sa bouche : quand il évoque par exemple la comparaison de la ville de Rennes et le nombre d’immigrés arrivant chaque année en France et dit « c’est l’équivalent d’une ville comme Rennes, c’est deux fois Perpignan », ce sont les mots exacts qui sont prononcés régulièrement par Marine Le Pen et son père.
Sur le domaine du droit de vote des étrangers Claude Guéant va également très loin, n’hésitant pas à proférer des mensonges en disant « voir dans le département de Seine-Saint-Denis qui a une forte population étrangère, la majorité des maires devenir étrangers, je ne le souhaite pas », ce qui est faux dans la mesure où le droit de vote promis par les socialistes n’inclut pas le droit de devenir éligible.
Mais Claude Guéant c’est aussi et surtout un très proche de Nicolas Sarkozy, au point qu’on l’a qualifié pendant un temps de « président-bis ». Aujourd’hui cependant il est « chargé du sale boulot », il tient un discours extrêmement ferme sur l’immigration et la nation, l’identité nationale qui vont devenir des thèmes de campagne importants pour Nicolas Sarkozy. A l’heure où ce dernier réoriente son discours sur ces thématiques, l’action de son ministre de l’intérieur depuis plus d’un an lui permet de se prévaloir d’une certaine fermeté proche de celle que déploierait le Front National au pouvoir.