Monde Culture

Amazigh Kateb s'engage pour la liberté en Algérie

Publié le  Par Un Contributeur

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R.M.

Certains médias algériens dénoncent des intimidations de la part du pouvoir algérien, ces derniers jours. Artistes et journalistes s'élèvent contre les arrestations.

 

A Alger (Algérie), le 24 juin, Mehdi Benaïssa, directeur général de la chaîne KBC, son directeur de roduction et une directrice du ministère de la Culture ont été arrêtés. TSA (Tout sur l'Algérie), Le Matin d'Algérie et le Huffington Post ont relaté cette affaire. Le même jour, le nouveau siège du journal El Watan a été encerclé par la police

Redha Menassel, qui nous avait déjà donné une interview du rappeur Kaaris et de Guy Bedos, a rencontré un artiste engagé qui commente ces faits librement : Amazigh Kateb.
 

Amazigh Kateb


Artiste engagé et symbole de toute une génération, Amazigh Kateb (fils de l’écrivain algérien Kateb Yacine) revient avec un nouveau projet musical intitulé "Argel de La Havana", un brassage culturel racé entre le diwan algérien et le kongo cubain. Ses escapades en solo ne l’empêchent pas de revenir de temps en temps à ses premiers amours, les membres du groupe Gnawa Diffusion avec qui il arpente les scènes de la planète depuis vingt-quatre ans déjà.

 

Bonjour Amazigh ! Entre votre rôle dans Maintenant ils peuvent venir, le film de Salem Brahimi, votre projet "Argel de la Havana" et votre carrière dans Gnawa Diffusion, comment arrivez-vous à ne pas devenir schizophrène avec vos 36.000 activités parallèles ?

 

(Rires) En fait c’est simple, j’arrive à ne pas virer schizo parce que tous ces projets différents me ramènent à moi-même ! Quand j’ai quitté Gnawa Diffusion en 2007, ça m’avait fait un bien fou. J’avais besoin d’aller voir ailleurs, de chercher mon individualité et de me retrouver.

Des années plus tard, j’ai de nouveau eu besoin de retrouver mon autre moi-même qui était collectif, Gnawa.

 

Justement, nous fêtons cette année les 24 ans du groupe ! Que ressentez-vous à cet instant ? De la lassitude ? De la fatigue ? De la fierté ? Toujours autant de plaisir ?

 

C’est vrai que c’est un projet que j’ai monté quand j’avais 20 ans, mine de rien ! J’en ai 44 aujourd’hui et je n’aurais jamais cru que je serais encore là à faire de la musique vingt-quatre ans plus tard. A la base, ce n’était pas du tout mon projet de faire carrière avec mon goumbri, J’avais pour ambition de chômer un maximum avant de me trouver un boulot de merde comme tout le monde (rires). Vingt-quatre ans, c’est toute une vie ! C’est un vrai cadeau du temps et des gens.

 

Vous êtes connu pour être un artiste libre qui ne mâche pas ses mots ! Que pensez-vous justement des récentes affaires liées à la liberté de la presse en Algérie ? Je pense notamment au mandat de dépôt qui a frappé Mehdi Benaissa, le directeur général de KBC, Riad Hartouf, le producteur des émissions satiriques "Ki Hna Ki Nas" et "Ness Stah", sans oublier la police qui a encerclé il y a quelques jours le nouveau siège du journal El Watan pour une vague histoire de certificat de conformité ?

 

Amazigh KatebC’est complètement aberrant cette situation ! Si tous les gens qui n’ont pas d’autorisations et qui exercent un métier en Algérie devaient être mis en prison, c’est la moitié du pays qui se retrouverait derrière les barreaux.

C’est honteux ce qui arrive ! S’il y a une régularisation à effectuer administrativement, autant la faire sereinement, tranquillement. Pourquoi mettre directement les gens sous mandat de dépôt ? Pourquoi emprisonner une personne âgée, une grand-mère qui travaille au ministère de la Culture (Mme Mounia Nedjai, ndlr) ? On a peur qu’elle se sauve ? Qu’elle s’échappe ?

De mon point de vue d’artiste, ces agissements ne sont pas anodins !

C’est clair qu’il y’a un message en background qui dit clairement : «  Attention, on vous a donné une ouverture du champ médiatique mais ne vous croyez pas tout permis. »

Il y a clairement des histoires d’intérêts en arrière-plan et, hélas pour lui, c’est Mehdi Benaissa qui trinque ! Je pense qu’on se retrouve face à un pouvoir qui vacille, qui a peur et qui fait n’importe quoi.
 

Un fort élan de solidarité est rapidement apparu sur la toile....


Oui, et heureusement. Je trouve que ça ne rime à rien en 2016 de suspendre des émissions ou des journaux pour la simple et bonne raison qu’il existe une petite invention magique qui s’appelle internet et qui transgresse toutes les barrières et tous les interdits.

De plus, c’est contre-productif pour eux ! Le fait de censurer quelque chose ne fera qu’en amplifier l’aura et créer le buzz sur les réseaux sociaux.

C’est tout sauf politiquement intelligent, tout sauf juridiquement juste.

Le pire, c’est que ce qui se raconte sur KBC ou El Watan, tout le monde le pense et le dit dans la rue algérienne : les histoires sur Chakib Khelil (ex-ministre de l’Energie), les critiques sur le pouvoir, les députés, la crise économique... Même les gardiens de parkings, les parcmètres vivants des ruelles d’Alger en parlent.

Ce n’est pas écrit dans notre constitution de fermer notre gueule, ce n’est pas inscrit dans notre ADN de rester silencieux. On se taira pas, ni demain, ni après-demain, ni jamais !


Propos recueillis par Redha Menassel

 

 

 

 

 







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