Afin de "marquer une nouvelle fois son intérêt pour la mémoire de l'esclavage", le chef de l'Etat a souhaité s'exprimer en ce 10 mai. Il a inauguré l'exposition "Les échos de la mémoire" imaginée par Luc Saint-Eloy, un artiste d'origine guadeloupéenne, au jardin du Luxembourg. François Hollande a rendu hommage aux "artisans de la mémoire" en réitérant la volonté de l'Etat de s'impliquer financièrement dans la création de projets tel le "Memorial ACTe". Futur plus grand centre au monde dédié au souvenir de l'esclavage et de la traite, il verra le jour à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe à l'orée 2015.
Ce n'est pas suffisant pour le CRAN, cet organisme crée en novembre 2005 qui lutte quotidiennement contre le racisme et le colonialisme. Selon Mediapart, le CRAN aspire à des réparations et souhaite voir proliférer des débats profonds qui pousseraient l'Etat et les entreprises à faire la lumière sur leurs comportements de l'époque.
"Cas unique dans l'histoire, ce furent les victimes de l'esclavage qui indemnisèrent les responsables de ce crime"
Mediapart a pris connaissance d'une assignation attestant que la république d'Haiti, était indépendante depuis 1804 quand l'Etat français a décidé en 1825 d'indemniser les maîtres et non les anciens esclaves. Le CRAN met en lumière cette bizarrerie: "Cas unique dans l'histoire, ce furent les victimes de l'esclavage qui indemnisèrent les responsables de ce crime". La caisse des dépôts fut chargée de récolter l'argent. Haiti versera alors 150 millions de francs (une somme abaissée à 90 millions de francs en 1938).
Or, depuis la Loi Taubira de 2001, la traite négrière est considérée comme crime contre l'humanité et est à ce titre imprescriptible. De là, le CRAN tire la légitimité de sa demande.
Quelle issue?
D'abord, le CRAN estime qu'il est nécessaire d'évaluer le préjudice matériel subi et la globalité des indemnités. Toutefois, l'organisme souhaite également qu'une clause de transparence relative à l'esclavage soit créée, comme en Californie. Les entreprises aspirant à des aides seraient ainsi forcées de faire la lumière sur leur passé et de révéler si oui ou non elles ont participé à la traite négrière.
Une idée qui provoque intérêt et scepticisme. Noel Mamère, maire EELV de Bègles, a déclaré : "Si le Cran le souhaite, je le ferai. (...) Ce serait sans enthousiasme car je ne suis pas sûr qu'il soit pertinent d'aller chercher des poux à des entreprises qui ont pu être revendues trois ou quatre fois entre temps".
Confronté à ce scepticisme, Louis-Georges Tin, le président du CRAN, assure précisément que "s'en tenir à des réparations morales serait immoral".