Lorsqu'on serre la main de Marcel Collet, responsable de la Ferme de Paris, on sent son expérience de la terre à la rugosité de sa peau. Au cœur du bois de Vincennes, face à l'hippodrome, l'agriculteur gère une ferme hors du commun. On imagine mal lapins, chèvres, poules, vaches, moutons et cochons cernés de tours de verre comme si elle était une partie intégrante de la ville, pourtant, c'est l'impression qu'aura tout visiteur.
D'abord un centre de formation
Créée en 1989, la ferme s'est mise à l'agriculture biologique en 2004. Son intérêt ? Revêtir le costume d'un lieu d'expérimentation afin de sensibiliser aux techniques d'agriculture durable. La production à des fins commerciales n'est pas l'objectif poursuivi, c'est exclusivement démonstratif. La production des animaux est envoyée le plus fréquemment dans les circuits classiques de l'alimentation via des exploitations de Seine-et-Marne. Le site produit un bon nombre de céréales utilisées pour les animaux. Et lorsqu'il y a trop d'animaux, certains retournent dans des exploitations agricoles.
La Ferme de Paris est davantage un centre de formation qu'un centre de production, il n'y a pas de consommation directe des produits. Toutefois, lors d'événements particuliers, des dégustations de fruits et légumes peuvent être organisées pendant les saisons favorables. Les formations sont proposées pour quiconque veut apprendre les techniques de la permaculture* et de l'empreinte carbone, de plus en plus en vogue dans les problématiques agricoles. La majorité du temps, la ferme est utilisée comme site de découverte pour les enfants citadins. D'ailleurs les habitats des animaux sont pensés en fonction des habitudes enfantines, comme celles de vouloir toucher maladroitement les chèvres ou les lapins. Des barrières sont installées pour éviter aux bêtes de se faire agresser malgré les bonnes intentions affichées.
La permaculture ou la création d'un écosystème cohérent
Via la technique de la permaculture et de la gestion différenciée, l'objectif de la ferme est de créer un écosystème sans abîmer le sol, point crucial de toute cette démarche. Ces techniques sont appliquées sur différentes strates des arbres comme les arbustes, les arbrisseaux, les végétaux et les herbacées. Les parcelles sont semblables à celles que l’on retrouve dans des fermes gérées en agriculture biologique, avec des haies bocagères pour attirer les oiseaux, technique favorable à la pollinisation des parcelles.
La finalité de ces techniques va s'orienter sur la production de légumes "perpétuels "ou vivaces. Il en existe une ribambelle, dont certains peu connus : oca du Pérou, artichaut, topinambour, oseille, fenouil, épinard-fraise, cardon, brocoli, poireau des vignes, oignon rocambole, etc. Comme leur nom l'indique ces légumes ne vont pas être les esclaves des saisons et disparaître à l'aube de la trêve hivernale. Bien sûr, ces plantes ne sont pas vraiment perpétuelles même si elles bravent les saisons : elles peuvent, comme les autres, êtres atteintes de maladies, se faire détruire par des parasites ou une météo trop rigoureuse.
La visite embraye sur les vergers encadrant l'entrée de la Ferme. C'est une zone prolifique en fruits variés, pommes, poires, abricots, noisettes et cerises. La particularité : ne donner aucun engrais aux arbres fruitiers pour qu'ils puissent développer une résistance sans aides chimiques et se renforcer naturellement. Parmi la vingtaine d'arbres, Marcel Collet est fier de préciser que certains ont une trentaine d'années.
C'est qu'ici tout est bio ! La nourriture pour les animaux, les semences utilisées pour les cultures, les bâtiments qui ont été rénovés avec des produits écologiques, comme l'isolation, les contre plaqués, le bois rétifié*. Des panneaux solaires thermiques équipent également les bâtiments qui alimentent le chauffe-eau, couplé à une alimentation EDF. D'autres panneaux solaires servent à l'éclairage des bâtiments d'élevage et au fonctionnement des clôtures électriques.
Gérer ses déchets reste un défi classique mais ici, ce n'est plus un problème. Ils utilisent une pratique de plus en plus courante même dans les ménages parisiens : le compost. Ils utilisent du purin combiné aux déchets biologiques des habitants permanents de la ferme.
S'allonger sur l'herbe
Aussi nommée « gestion raisonnée durable ou gestion harmonique », la gestion différenciée est une manière de gérer les espaces verts en milieu urbain qui consiste à ne pas appliquer le même traitement pour les différentes zones. Quelques unes seront plus tondues que d'autres ou laissées en friche selon les besoins.
Concrètement, certaines pelouses seront réservées aux visiteurs pour qu'ils puissent s'allonger sur l'herbe, ce qui est de plus en plus un luxe en zone urbaine, de surcroît s'il on veut éviter les défections canines. Sur les 5 hectares, chaque parcelle aura un traitement « individuel ». Une vision de la gestion de la nature probablement mieux appropriée que les précédentes.
* Permaculture : Ensemble de pratiques visant à créer une production agricole durable, respectueuse de l'environnement. Plus précisément un écosystème productif en nourriture ainsi qu'en d'autres ressources utiles, tout en conservant la santé de la nature.
* Le bois rétifié : La rétification est un procédé de traitement thermique du bois qui consiste à le chauffer pour le solidifier et lui permettre de se conserver. Une technique très utilisée pour la construction d'enclos ou autre.
Coline Pascal
Etudiante en journalisme (IICP)