Le partenariat public-privé, nouveau mode de gouvernance des collectivités territoriales.
Publié le Par Jennifer Declémy
L'ouverture aujourd'hui du grand complexe hospitalier en Essonne est l'occasion de revenir sur les partenariats public-privé et leurs inconvénients majeurs, malgré l'engouement qu'ils suscitent chez les acteurs publics.
Inconnue parmi le grand public, la notion même de partenariat public-privé (ou PPP) va pourtant bientôt célébrer ses dix ans d’existence, dans un relatif anonymat. Inconnu, mais non dénué d’importance car ces dernières années, dans un cadre de désendettement et de meilleure gestion des finances publiques imposé aux collectivités territoriales, le PPP s’est imposé comme le nouveau mode de gouvernance des collectivités locales.
Mais qui dit populaire parmi les élus ne dit pas efficace. Le PPP concrètement, c’est un contrat passé entre un acteur public et un acteur privé pour gérer un service public. Autrement dit, il s’agit pour la collectivité concernée de déléguer la gestion d’une de ses attributions à une entreprise privée, qui se charge donc de la gestion et des investissements, contre un loyer payé par la collectivité. L’acteur privé a alors la charge d’emprunter les capitaux, de construire et entretenir les bâtiments mais c’est l’état qui devient propriétaire, en contrepartie du loyer versé à la personne privée. Cela a été mis en place par l’ordonnance du 17 juin 2004, avant d’être réformé dans le sens d’un approfondissement en 2008.
Ce mode de gestion d’un service public a été imaginé par la Grande-Bretagne en 1992 ; c’est alors le concept de Private Finance Initiatives qui va connaitre un certain succès outre-manche, avant de s’importer dans le reste du monde. Ainsi l’Europe va adopter ce modèle dans les années 2000, selon différentes modalités de mise en œuvre, alors que l’Amérique du Sud et l’Asie du Sud-Est deviennent également friandes de ce nouveau mode de contrat dans les années 1990.
La France, en adoptant ce nouveau mode de gouvernance, a voulu plus précisément utiliser les PPP pour la construction et la gestion des transports, prisons, hôpitaux, hélicoptères d’entrainement de la Défense et pour la gestion de l’eau et des déchets. Et depuis 2004, elle est même devenue une experte en ce domaine, en devenant en 2009 la première puissance européenne à solliciter les PPP. Ainsi 18 milliards ont été engagés dans ce sens depuis 2004, et 60 autres le seront d’ici 2020. En 2011, la France totalisait 70% des PPP européens à son seul actif.
Le PPP est donc devenu en quelques années un moyen incontournable pour les acteurs publics d’alléger leurs dettes tout en continuant d’entretenir les services publics et d’en construire d’autres quand c’est nécessaire. Mais cela a aussi permis aux autorités de continuer à investir, afin de soutenir la croissance.
A priori ce nouveau mode de contrat présente donc des avantages indéniables pour les collectivités publiques qui, devant prendre en charge de plus en plus de services publics tout en obéissant à un impératif de désendettement, ne se trouvaient plus à même de répondre à ces objectifs. Et c’est ainsi que des projets de grande envergure ont pu être lancées : la rénovation du zoo de Vincennes, le grand stade de Lille, une nouvelle prison à Lyon, le centre hospitalier sud-francilien ou encore une ligne ferroviaire entre Bordeaux et Tours.
En outre, en adoptant cette modification du droit des contrats en 2004, le législateur a voulu s’assurer certaines garanties, pour que les PPP ne deviennent pas les contrats de droit commun des acteurs publics, et qu’on n’assiste pas à une privatisation cachée des secteurs publics. L’ordonnance décrète donc qu’un PPP ne peut être adopté que si certaines conditions sont réunies, à savoir l’urgence et la complexité de l’opération envisagée. En tant que tel, un PPP ne peut être, selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, qu’exceptionnel, c’est-à-dire non réalisable en l’état par la personne publique.
Les promoteurs de ce mode de contrat entre public et privé louent les nombreux avantages des PPP : ainsi ces derniers seraient « un moyen de réconcilier les attentes sociales et les finances publiques » et une réalisation du projet dans les temps et selon les coûts délimités dès le départ. Cependant, les détracteurs eux pointent du doigt de nombreux inconvénients inhérents à ces PPP, qu’attestent par ailleurs certains échecs criants d’opérations conclus sous le mode d’un PPP, comme par exemple le projet d’hôpital sud-francilien entre Evry et Corbeil-Essonnes.
Si les partenariats public-privé sont donc devenus un instrument privilégié par les pouvoirs publics, il faut néanmoins s’interroger sur la pertinence de ce mode d’action publique qui fait intervenir des entreprises privées. A l’aune d’un impératif proclamé de gestion rigoureuse des finances publiques, surtout pour les collectivités territoriales, les PPP sont-ils pertinents ?