Science Po : La délicate succession de Richard Descoings

Les traits tirés, les yeux embués de larmes, les élèves de Sciences Po Paris ont rendu hommage le 4 avril, rue Saint Guillaume, à leur directeur. Adoré par certains, détesté par d’autres, Richard Descoings est décédé à New York le 3 avril, dans des circonstances toujours inexpliquées. Aujourd’hui doivent se dérouler les obsèques de celui qui a, pendant seize ans, été à la tête de l’IEP, à l’Eglise Saint Sulpice de Paris. Les cours sont suspendus afin de permettre aux étudiants et aux professeurs de se recueillir.

Les résultats définitifs de l’autopsie du corps de la victime sont attendus la semaine prochaine, pour tenter d’élucider cette mort suspecte. Mais les rumeurs vont bon train à New York. Les enquêteurs ont évoqué la présence d’autres personnes dans la chambre de l’hôtel Michelangelo la nuit de la mort de Richard Descoings. En outre, une recherche d’ADN pourra être faite par le médecin légiste si une relation sexuelle a eu lieu et que les partenaires ne se sont pas fait connaître. Ce que tout le monde se demande, c'est si sa mort est accidentelle, naturelle ou bien s'il s'agit d'un suicide. Les analyses doivent déterminer les circonstances exactes du décès même si toutefois l’hypothèse du crime semble écartée.

A l’heure où la famille, les amis et les élèves rendent un dernier hommage à celui qui a permis l’accès de Sciences Po aux étudiants issus des quartiers défavorisés, les langues se délient et la succession est mise en route. La question est sur toutes les lèvres : qui va remplacer Richard Descoings à la tête de l’école ? « La succession ? Tout le monde y pense mais personne n’en parle » avoue à demi mot un élève. Les pronostics sont nombreux mais cela prendra plusieurs semaines avant qu’un nom ne soit dévoilé. « Cela prendra du temps. D'une part, parce que aujourd'hui le deuil s'impose. D'autre part, parce que le contexte politique est "bizarre" à cause de l'alternance probable. Cela attendra sans doute juin-juillet ou plus probablement septembre » estime un bon connaisseur de l’IEP.

Cette délicate succession est inédite dans l’histoire de l’IEP. « A chaque fois, la succession s'est faite facilement. Le directeur sortant avait toujours un candidat évident pour le remplacer", explique-t-on au sein de l'école. Nommé administrateur provisoire le 5 avril, Hervé Crès, 44 ans, était le directeur adjoint chargé des études et de la scolarité. Dans une école où le passage de relais se fait généralement sans encombre, du directeur à son adjoint, Hervé Crès apparaît comme favori dans l’ordre de succession. « Il a fait face de manière remarquable avec beaucoup de maîtrise, de courage et de rapidité. Il a été l'homme qu'il nous fallait dans cette période », indique un professeur. Ancien directeur délégué d’HEC, son carnet d’adresses ne semblerait toutefois pas assez rempli.

A dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, le profil du directeur sera passé au peigne fin et une interprétation politique de la nomination semble possible même si l’institution se défend de cette rumeur. La succession du directeur répond à une organisation très précise. Un collège de personnalités issues des différentes instances de l’école devra désigner, après un appel à la candidature, celui qui reprendra le flambeau. Il faudra ensuite un arrêté de Matignon pour valider le poste d’administrateur et un décret pour celui du directeur.  «Ce processus, par sa transparence va montrer le vrai sens de l'autonomie des établissements » explique un proche de la victime. Un hommage de plus à celui qui avait fait de l'autonomie une arme pour son école.