La photo impossible d'Abdelkader Merah
Publié le Par Fabrice Bluszez
Le Figaro, Paris-Match (copie d'écran)
Le parquet a ouvert une enquête après la publication de photos d'Abdelkader Merah à la cour d'assises de Paris.
Jusque là, on n'avait vu que des dessins de presse de l'accusé, de grande qualité, certes, mais... Ce jeudi 9 novembre paraît Paris-Match, qui publie deux photos d'Abdelkader Merah, prises dans la salle de la cour d'assises spéciale de Paris. Avant, après ou pendant l'audience ? Impossible de le savoir. Mais la loi, depuis 1881, interdit la photo durant l'audience d'un tribunal sauf autorisation expresse du président du tribunal. Le parquet a donc ouvert une enquête et l'avocat de Merah, Eric Dupont-Moretti se dit "scandalisé". Il se réserve de porter plainte. Cela dit, dès lors que le parquet agit, c'est inutile, sauf pour obtenir réparation financière du dommage. Cela provoquerait un procès civil, Merah contre la presse.
L'affaire est fort intéressante parce que, depuis, la photo circule sur Internet. Le journal Le Figaro la publie, l'ayant copiée sur le compte Twitter de Paris-Match, ce qui permet de plaider qu'elle est devenue publique. Astuce... Vaine puisque la publication étant interdite, l'emballage de la photo importe peu. Coup de pouce néanmoins à un confrère toujours audacieux, parfois critiqué, dans sa pratique de la photographie de presse. L'interdiction de la photo d'Abdelkader Merah est un tabou d'un autre âge. On a vu l'image de tant d'autres accusés dans leur box : Landru, Chanal, Dominique Strauss-Kahn... Ou face à la vidéo du procès Barbie, par exemple.
Ne garder que les belles images
Le public a le droit de savoir, de voir aussi. Or, les dessins d'audience créent une distance. Interdire la photo de Mohamed Merah au sol, abattu par la police devant son appartement, interdire la photo d'Abdelkader Merah dans le box des accusés, c'est ne garder d'eux que les images heureuses de Mohamed souriant dans sa BMW ou d'Abdelkader, fils aimé de sa maman... Du coup, on évacue les conséquences de leurs actes et on crée une distance inconsidérée, un forme de respect qui confine à faire de l'assassin un héros. Après tout, dans l'islam aussi, Allah ne saurait être représenté. On a tué pour cela... Il est dommage que le président du tribunal ait oublié cet aspect des choses.
Mohamed Merah, en 2012.
A l'inverse, Jean-Philippe Deniau, président de l'Association de la presse judiciaire, estime que "la loi, c'est la loi" et craint qu'on ne puisse plus amener ordinateur ou enregistreur dans les audiences. Notant toutefois que "le live-tweet est toléré". Il s'en explique dans L'Express.
Le portrait du frère de l'assassin
Abdelkader Merah a été condamné à vingt ans de prison pour association de malfaiteurs dans ue entreprise criminelle terroriste, par laquelle son frère, Mohamed Merah, du 11 au 22 mars 2012, a fait 7 morts et 6 blessés. Son portrait est dressé par Paris-Match sous le titre "Abdelkader Merah, récit d'un procès hors norme", publié le 8 novembre, illustré par un dessin. L'auteur, Philippe Cohen-Grillet, avait déjà, le 20 octobre, publié un article intitulé "Procès Merah, la toile d'araignée", illustré par la photo ci-dessous.
Abdelkader Merah et sa mère, en 2008 (Paris-Match).