Affaire Bygmalion : du « coup monté » au « dérapage » financier, la défense bancale du clan Copé
Publié le Par Antoine Sauvêtre
UMP Photos - flickr
Depuis les révélations du Point sur l’affaire Bygmalion, nommée initialement « l’affaire Copé », la défense de Jean-François Copé et de son directeur de cabinet Jérôme Lavrilleux a pris peu à peu du plomb dans l’aile, jusqu’à la démission forcée du président de l’UMP ce matin.
En février 2014, l’hebdomadaire Le Point consacrait sa Une à ce qu’il appelait à l’époque « l’affaire Copé ». Selon une enquête du magazine, Bygmalion, une société dirigée par des proches de Jean-François Copé, aurait surfacturé à l’UMP des prestations pour le parti lors de la présidentielle de 2012. Près de 20 millions d’euros sont évoqués.
Or l’UMP, déjà endettée, n’a pu bénéficier du remboursement des frais de campagne de Nicolas Sarkozy car la commission des comptes de campagne ne les avaient pas validés. Pour sauver le parti, une importante opératio pour récolter des fonds a été lancée. Les sympathisants UMP ont alors volé au secours du parti pour lui permettre de rééquilibrer ses comptes.
Le « coup monté de manière ignoble »
Autant dire que si l’affaire Bygmalion se confirmait, la position de Jean-François Copé, président de l’UMP qui a fait appel à la générosité de ses sympathisants, aurait été intenable. Appelé à réagir après les révélations fin février, Jean-François Copé a dénoncé un « coup monté de manière ignoble ». Pour lui, « il n’y a qu’une manière de répondre, c’est par la voix des tribunaux ». Et le maire de Meaux cible le directeur de publication du magazine accusateur. « Il y a derrière ça un homme, Franz-Olivier Giesbert, qui depuis des mois et des mois nous attaque, Nicolas Sarkozy comme moi-même, pour nous détruire ».
A l’époque, son directeur de cabinet Jérôme Lavrilleux avait défendu le point de vue du président de l’UMP.
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En premier lieu, le président de l’UMP dément donc toute implication et même toute affaire, et prend la défense de l’ancien président Nicolas Sarkozy. Bien décidé à enterrer l’affaire, Jean-François Copé porte plainte pour diffamation auprès du doyen des juges d’instruction. Le dossier restera clos.
La « transparence » comme contre-attaque
Le 3 mars, Jean-François Copé décide de réagir officiellement aux accusations du Point. Lors d’une conférence de presse au siège de l’UMP, le député campe sur ses positions. Il s’agit d’un « lynchage » et d’une « chasse à l’homme » de la part des médias. En guise de contre-attaque, il évoque une proposition de loi. Son argument : puisqu’il faut montrer pattes blanches, l’UMP le fera… comme tous les autres partis. Les documents comptables de l’UMP, placés sous scellée, ne seront ouverts qu’une fois cette proposition de loi votée. Sauf que cette dernière n’a jamais vu le jour.
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Les « interrogations » d’après municipales
En stand-by durant les municipales, l’affaire ressurgit notamment le 14 mai lorsque Libération amène, à son tour, de nouvelles preuves sur des facturations de près de 20 millions d’euros. De révélations en révélations, la défense de Jean-François Copé change. Cette fois, il « est normal, dans un grand pays démocratique, de poser toutes les questions » et le président de l’UMP avoue même avoir « des interrogations » sur cette affaire, mais continue de se dédouaner. « En tant que président de l’UMP, je ne suis pas directement en charge de tout cela, indiquait-il. Non seulement je ne signe pas tous les chèques, mais je ne suis pas dans la procédure elle-même. De même, je ne l’étais pas du tout dans la campagne présidentielle. Moi, en tant que président de l’UMP, j’anime un grand parti politique ».
Après s’être considéré, avec Nicolas Sarkozy, comme une cible des médias, Jean-François Copé cherche finalement à se distinguer de l’ancien président de la République. Il n’était pas directeur de campagne de Nicolas Sarkozy et ne s’occupait pas de signer les chèques de son parti, se défend-il.
Le 21 mai, durant un meeting de son parti pour les européennes, Jean-François Copé annonçait la convocation " d’un bureau politique ", celui-là même qui a précipité sa démission. Il indique également vouloir « que la vérité soit connue ». Il annonçait alors qu’il s’exprimerait de nouveau sur cette affaire après les élections européennes.
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Une facture signée de sa main et les aveux de Lavrilleux
Mais au lendemain des élections européennes, c’est au tour du magazine L’Express d’apporter sa contribution à l’affaire. Sur son site, il publie un contrat de 878 000 euros signé de la main du président de l’UMP en février 2012. Une preuve, selon le magazine, que Jean-François Copé voyait bien passer les factures de son parti.
Puis tout se précipite lorsque Jérôme Lavrilleux, fidèle de Jean-François Copé et homme-clé de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, finit par avouer, en partie, ce qu’a dit l’avocat de Bygmalion quelques heures plus tôt. Ce dernier accusait l’UMP d’avoir poussé la société de ses clients à réaliser « de fausses factures » pour dissimuler des dépenses du candidat Nicolas Sarkozy lors de la campagne.
Au pied du mur, Jérôme Lavrilleux, élu au Parlement européen le 25 mai, au bord des larmes, avoue « un dérapage » mais déclare que Jean-François Copé n’a pas été mis au courant. Mais même les ténors de l’UMP ne semblaient pas y croire lors de la réunion de ce matin. Une large partie d’entre eux réclamant la démission de leur président.
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En quelques mois, ce qui n’était sensé être qu’un « coup monté de manière ignoble » a précipité le président de l’UMP à la démission et fait verser quelques larmes sous forme d’aveu à l’un des hommes les plus fidèles de Jean-François Copé.