Hôtel Roma, de Pierre Adrian
Publié le Par Pascal Hébert
Francesca Mantonvani
« Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. Ça va, pas trop de bavardages. » Voilà le mot que l’on retrouva dans une chambre de l’hôtel Roma, à Turin, après le suicide de Cesare Pavese le 27 août 1950, à 42 ans. Poète, écrivain, Cesare Pavese a quelque chose du Kaspar Hauser de "La chanson de Gaspard" du poème de Verlaine. Marqué par l’œuvre et la vie de cet écrivain à la lucidité morbide, Pierre Adrian nous invite à le suivre sur les traces de Cesare Pavese dans son dernier livre, "Hôtel Roma".
Véritable road book, "Hôtel Roma" nous entraîne dans la belle Italie et les villes où Cesare Pavese à posé ses valises. Dans ce voyage, où il est accompagné par une mystérieuse fille à la peau mate, le narrateur cherche à voir tout ce qui touche de près ou de loin à Pavese. Envahi par l’idée du suicide, il tente désespérément de trouver son chant sur le chemin de la vie. Malheureux en amour, seul et sans espoir, ce drôle de bonhomme, à l’éternelle pipe vissée dans la bouche, semble vite fatigué par son existence. Étranger parmi les étrangers.
Au cours de ce périple à la recherche d’un homme, Pierre Adrian fait plusieurs escales et nous offre des rencontres insolites. A commencer par Pavese, un personnage entier, absent, solitaire. Mais au final, qui mieux que Pavese pouvait parler de Pavese. Dans son autoportrait adressé à un ami le 25 octobre 1940, il écrit : « Or P., qui sans aucun doute est un solitaire parce qu’en grandissant il a compris qu’on ne peut rien faire qui vaille sinon loin du commerce du monde, est le martyr vivant de ces exigences contradictoires. Il veut être seul - et il est seul - , mais il veut l’être au milieu d’un cercle qui le sache. Il veut éprouver - et il éprouve - pour certaines personnes ces attachements profonds qu’aucun mot n’exprime, mais il se tourmente jour et nuit et tourmente ces personnes pour trouver le mot. Tout cela est, sans doute, sincère, et s’entremêle malheureusement avec le besoin d’expression de sa nature de poète. P. appelle même tout cela besoin d’expression, de communication, de communion ; sa privation, tragédie de la solitude, incommunicabilité des âmes, et ainsi de suite. Que pourra faire un tel homme devant l’amour ? »
Pavese a sans doute cherché, tout au long de sa courte vie, celle qu’il a toujours attendue, cru trouver et perdue en attendant vainement celle pour laquelle il se serait mis debout pour prendre la route jusqu'au bout. Et ce n’est pas pour rien si il a laissé en guise d’explication à son suicide son journal intime : "Le métier de vivre".
Pascal Hébert
"Hôtel Roma", de Pierre Adrian. Éditions Gallimard. 190 pages. 19,50 €.