Personne n'en attendait autant après une défaite aux municipales ! Certes, elle a été cinglante, mais ce type de scrutin entre par définition dans le champ des affaires locales et tout le monde sait que les élections intermédiaires sont, presque par tradition, défavorables au pouvoir en place. Si un remaniement gouvernemental apparaissait quasi inévitable, on se demandait même si Jean-Marc Ayrault n'allait pas finalement sauver sa tête.
Et voilà que tout le paysage politique est bouleversé ! Avec un Valls premier ministre, organisé, fonceur et autoritaire. Avec une équipe de poids lourds dont le professionnalisme n'est pas contestable. Avec un changement de secrétaire général à l'Elysée qui permettra à Jean-Pierre Jouyet, un fidèle parmi les fidèles, d'introduire le politique là où Pierre-René Lemas tricotait de l'administratif.
Un Désir si proche, si loin…
Plus subtil : le dessous des nominations aux postes de secrétaire d'État. François Hollande a pris le risque d'"exfiltrer" Harlem Désir aux Affaires européennes. Sans doute veut-il réveiller un PS qui n'a pas été capable d'être une force de proposition ni un moteur, même auxiliaire, de la vie politique. Le procédé, évidemment, est contestable au plan de la déontologie politique. Qu'Harlem Désir ait été trois fois député européen est une justification un peu courte. Le signal envoyé à l'Europe n'est pas très positif non plus : on lui expédie sans recommandé un personnage réputé avoir échoué dans sa mission ! Et c'est le troisième détenteur du poste depuis 2012 ! Mais il est clair que ce n'est pas lui qui négociera avec Merkel. Les Affaires européennes, comme les Affaires étrangères d'une façon générale, entrent dans le périmètre du chef de l'État.
Moins visible : l'arrivée de Christian Eckert au Budget. Nommer un rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale à une telle responsabilité gouvernementale semble, a priori, logique. En réalité, le gouvernement a eu plusieurs fois dans le passé des problèmes avec ce député de Meurthe-et-Moselle un peu trop enclin à amender ses projets de loi. Une bonne façon de le calmer, donc !
Au loup !
Enfin, François Hollande a placé un autre de ses fidèles au secrétariat d'Etat à la réforme territoriale. André Vallini aura, espère-t-il, les qualités juridiques, mais surtout le sang froid et l'opiniâtreté nécessaires pour engager un combat qui s'annonce extrêmement difficile. Déjà, on s'agite et on crie au loup du côté des associations regroupant départements ou Régions.
Le dispositif est maintenant finalisé. On repart en campagne après deux années, ou presque, perdues pour la France, en raison d'errements stratégiques et d'erreurs tactiques. Mais les obstacles ne vont pas manquer : l'Europe nous attend de pied ferme, les entrepreneurs français ne semblent pas décidés à marcher au pas, il y a 50 milliards d'euros d'économies tapis dans d'introuvables fourrés, l'opposition multipliera les escarmouches pour retarder une avancée qui l'empêcherait de se livrer, sans trop de risques, à sa guerre intestine pour 2017.
Ce ne sera pas une balade hollandaise !
Patrick Béguier est journaliste et écrivain. Il est le conseiller éditorial de Paris Dépêches.