Présidentielle : la guerre est déclarée à la France halal
Publié le Par Jennifer Declémy
Le débat présidentiel est clairement tombé très bas ce week-end, avec une polémique signée Marine Le Pen qui prétend donc que toute la viande consommée en Ile-de-France est halal. En même temps qu'elle ou presque, le chef de l'état en meeting à Marseille évoque le sujet par une périphrase désignant "le problème des cantines scolaires". Et il n'aura fallu qu'un claquement de doigts pour que la polémique envahisse tristement le débat public.
Fascinés, les commentateurs et journalistes abordent le sujet et alimentent le fonds de commerce de l'extrême-droite en imposant le sujet comme incontournable dans la campagne présidentielle. L'émission mots croisés diffusée hier soir illustre bien cela : alors que l'émission devait porter sur le peuple, les quinze premières minutes furent occupés par ce débat entre le très démagogique porte-parole de l'héritière de Montretout, le ministre de l'agriculture directement concerné et deux représentants de la gauche. On aura cependant du mal à trouver le lien entre halal et peuple.
Ce qu'on trouvera néanmoins, c'est un populisme latent qui s'installe dans la campagne et qui menace de devenir sa marque de fabrique. Quand Florian Philippot, le dit porte-parole de Marine Le Pen déclare que le halal en Ile-de-France "c'est un problème très grave", on se pince et on tente de deviner si c'est une blague ou du sérieux. Sans doute l'énarque brillant n'est pas au courant que 10% des français sont au chômage, 6 millions sont mal logés et presque 8 millions vivent sous le seuil de pauvreté.
De vrais sujets, très graves, comme l'emploi, la santé, l'éducation ou le pouvoir d'achat mériteraient de véritables débats de fonds mais certains candidats préférent se focaliser sur l'identité nationale et l'immigration. C'est leur choix, mais les journalistes et commentateurs, en relayant ces thématiques, contribuent à faire sombrer la campagne présidentielle dans le caniveau. Et les candidats politiques qui se plient à la mode sont également à blâmer.
Le Modem, les socialistes et le Front de Gauche ont raison de dénoncer la non-pertinence de ce débat mais ils doivent aller encore plus loin et imposer leurs thématiques économiques et sociales qu'ils développent, avec plus de discrétion, dans leurs meetings ou déplacements. Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ne doivent pas être les seuls à monopoliser le débat public pour le dégrader, et ainsi dégrader la politique. Et les journalistes se grandiraient en acceptant de sortir de l'anodin pour enfin rentrer dans le vif du sujet.