L'insurrection républicaine a eu lieu

 

 

 

L'insurrection "vise à renverser le pouvoir établi", nous disent en chœur le Robert et le Larousse.

L'insurrection "vise à guillotiner le terrorisme", écrira en cœur le Charlie.

Un dictionnaire un peu particulier, pas très académique, où les mots s'accompagnent de caricatures provocatrices destinées à tordre le cou au politiquement ou moralement correct, aux discours ambiants, aux prétendues immunités religieuses.

 

De là où ils sont maintenant, ils doivent bien rigoler les Cabu, Charb, Wolinski, Tignous et autres victimes de la barbarie islamiste. Aujourd'hui, ils ont vu une cinquantaine de chefs d'État, venus du monde entier, attendre l'arrivée de cars de tourisme pour défiler dans Paris, bras dessus, bras dessous, avec François Hollande comme guide !

Ils doivent même rire aux éclats, comme de vieux potaches, en pensant aux dessins que les membres de la rédaction ayant échappé au massacre vont pouvoir réaliser : le premier ministre turc, le chef de la diplomatie russe, le président de la République gabonaise, le chef du gouvernement hongrois et quelques autres réputés défenseurs de la liberté de la presse tous réunis pour être croqués sur papier !

 

 

Revenons sur terre : on sait bien que ce rendez-vous international n'avait pas pour objet une discussion sur les Droits de l'Homme, mais un échange sur la nécessaire amélioration de la protection policière et de la coordination des services de sécurité face à un cancer qui se développe à travers le monde. On ne peut que souhaiter une efficacité accrue dans ces domaines essentiels pour la vie de tous. Qu'importe s'ils sont Turcs, Russes, Gabonais ou Hongrois. Le terrorisme religieux est un mal absolu.

 

Vient l'essentiel : l'extraordinaire mobilisation du peuple français. On le disait enfermé dans ses peurs, résigné à son déclin. Et voilà qu'il se lève pour sa liberté, son égalité, sa fraternité. Des mots qui, dimanche, sont descendus des frontons de nos monuments. Les mots de notre République. Une insurrection, direz-vous, cela suppose un mouvement brutal, sanglant, alors que celles et ceux qui étaient venus arpenter le pavé ont souvent été dans l'impossibilité d'avancer tant il y avait de monde et qu'ils n'ont fait que brandir des crayons ou des pancartes.

Vous avez raison : la France, pays de la grande Révolution, vient d'inventer l'insurrection pacifique.

 

Patrick Béguier est journaliste et écrivain.