Chevreuse, de Patrick Modiano

Avec ce dernier livre, le romancier nous fait marcher sur les pas de sa jeunesse dans la vallée de Chevreuse. Des rues, une route, une maison, des numéros de téléphone d’un autre siècle et des noms sont l’occasion de replonger dans les souvenirs souvent enfouis. Des souvenirs qui remontent à trente ans, alors que le personnage principal avait à peine vingt ans. En observant une carte d'état-major de la vallée de Chevreuse, Jean Bosmans se rend compte que les distances sont plus courtes qu’il ne le pensait. Ce point de départ d’un retour en arrière est l’occasion pour Modiano de nous entraîner dans son univers fascinant.

Et tout démarre avec le narrateur qui se rend dans la Vallée de Chevreuse avec Camille, dite Tête de mort, et Martine Hayward, pour visiter une maison. Mais pas n’importe quelle maison puisqu’il s’agit de celle dans laquelle il avait vécu quelques bonnes années auparavant. Au fil de la narration, des personnages plus ou moins interlopes s’invitent dans les endroits fréquentés par Jean Bosmans comme cet appartement d'Auteuil surprenant. La journée, il est occupé par Kim, la baby sitter qui garde le fils de René-Marco. La nuit, des visiteurs peu recommandables prennent possession des lieux. Des hommes qui le connaissent bien. Fuyant pour écrire un roman sur cette partie de sa vie, Jean Bosmans découvre le trésor de Guy Vincent, une autre vedette de son passé. Un trésor toujours enfoui mais qui n’a plus aucune valeur aujourd’hui… comme un souvenir qui perd de son éclat avec les années. Une fin digne de Patrick Modiano.

Avec "Chevreuse", véritable ovni de la littérature, le romancier nous invite à prendre le temps. Le temps de regarder dans le rétroviseur pour mieux comprendre les événements qui nous ont façonnés dans notre jeunesse. Comme dans un songe, Modiano nous laisse dans des endroits en demi teinte bercés par une écriture magique et si rare. Patrick Modiano nous donne l’agréable impression d’écrire le même livre. Et nous nous laissons prendre à son piège sans opposer la moindre résistance. A chaque roman, il nous offre une belle parenthèse dans le temps. Que cela fait du bien !

Pascal Hébert

"Chevreuse", de Patrick Modiano. Éditions Gallimard. 160 pages.18 €.