Tarifs EDF : l’impossible contrôle des prix
Publié le Par Antoine Sauvêtre
Parti socialiste - flickr
Chaque année, ou presque, les Français constatent une augmentation de leur facture d’électricité sans trop savoir pourquoi, ni comment ? Explications et retour sur le feuilleton du printemps : les tarifs EDF.
Premier dossier chaud pour Ségolène Royal au ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie. La toute nouvelle ministre doit faire passer la pilule aux Français suite à la décision du Conseil d’Etat d’augmenter rétroactivement les tarifs EDF sur la période de juillet 2012 à juillet 2013. Que s’est-il donc passé ?
Pourquoi les tarifs EDF augmentent-ils ?
Pour comprendre, il est nécessaire de revenir sur le mode de calcul des tarifs EDF. Le prix d’un mégawatheure (MWh) consommé doit couvrir les coûts d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) fixés par la Commission de régulation de l’électricité (CRE). Différentes taxes, dont la TVA viennent s’ajouter aux prix.
De plus, d’après la loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité) le prix doit aussi couvrir les coûts de production du fournisseur EDF. Or la tendance de ces coûts est, ces dernières années, à la forte hausse en raison de rénovation des centrales nucléaires et du réseau électrique.
Autrement dit, EDF peut lancer des chantiers à la volée. Tant que les coûts sont bien anticipés, ils seront automatiquement répercutés sur les prix. Un rédacteur sur Agoravox dénonce même un gonflage des coûts de production pour couvrir des investissements hasardeux d’EDF à l’étranger.
Qui décide ?
Le choix d’une augmentation, ou non, des tarifs EDF est décidé chaque année, souvent au mois de juillet, par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Ensemble ils prennent un arrêté qui est soumis à la Commission de régulation de l’énergie qui formule un avis.
Depuis 2000, les prix n’ont diminué que deux années, sont restés stables deux ans également et ont été revus à la hausse… 11 ans ! Depuis 2005, les prix ont ainsi augmenté de 15,5%, soit plus que l’inflation (13,5%).
En 2012, le gouvernement Ayrault a décidé de n’augmenter les tarifs EDF que de 1,8% pour ne pas amputer le pouvoir d’achat des Français. Seulement, la Commission de régulation de l’énergie tablait, elle sur la nécessité d’une hausse de 5,7%. Une bonne nouvelle a priori pour les consommateurs mais pas pour les concurrents d’EDF, qui auraient pu profiter d’une hausse des prix pour gagner en compétitivité face au géant de l’énergie française.
L’Anode, un regroupement de petits concurrents (Direct Energie, Eni, Lampiris, etc…) s’estimant lésés, a alors saisi le Conseil d’Etat pour contrer cette irrégularité.
Pourquoi une hausse rétroactive ?
Le Conseil d’Etat a décidé de suivre l’avis de la CRE. Selon la haute juridiction, les tarifs de juillet 2012 étaient « manifestement inférieurs au niveau auquel ils auraient dû être fixés » car ils « ne permettaient pas de répercuter les hausses prévisionnelles des coûts de production de l’année 2012 ». Le gouvernement de Manuel Valls a donc été sommé de rétablir l’écart dans les deux mois. Résultat : 92% des Français vont devoir payer entre 20 et 40€ de plus, selon la décision de la CRE, sur leurs prochaines factures d’électricité.
La hausse rétroactive tiendra tout de même compte de la hausse de 5% décidée en 2013, et de la nouvelle de 5% prévue pour août. Estimant que cette prévision pour l’été 2014 était suffisante, Ségolène Royal a promis que les tarifs n’augmenteraient pas « d’ici août ».
Que veut faire Ségolène Royal ?
Le projet de Ségolène Royal reste flou. Mais la ministre a déjà appelé à « changer les modes de calcul du coût de l’énergie ». L’objectif pour le gouvernement est de pouvoir « appliquer une politique énergétique sans être entravé par des textes administratifs qui ne correspondent pas à la volonté politique ». Pourra-t-elle réformer la loi NOME pour ne pas avoir à combler chaque année les coûts de production ? La tâche semble particulièrement compliquée. Pour autant, la candidate à la présidentielle de 2007 reste ferme : « ce ne sont pas les opérateurs qui vont décider tout seul », affirme-t-elle.
La ministre s’est dite « absolument convaincue » de pouvoir « maitriser le coût de l’énergie ». La loi sur la transition énergétique est en train d’être rédigée. Elle abordera la question des coûts de l’énergie. Une fois terminée, elle passera devant le Conseil d’Etat (encore lui), le Conseil économique et social avant d’être débattu « en juillet » devant les deux assemblées. Une rapidité qui témoigne de la volonté de la ministre « d’accélérer les choses » même si d’ici le vote d’une nouvelle loi, les Français auront déjà payé la facture.