France Culture

Débarquement (3) : Guillaume Mercader, l’homme de l’ombre et l’homme clé

Publié le  Par Pascal Hébert

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En 1945, lorsqu’il retrouve Bayeux après avoir été agent de renseignement pour les Américains, l’homme se tait. Guillaume Mercader était plutôt du genre taiseux. Doté d’un caractère bien trempé, ce Bayeusain a connu une vie romanesque. Cycliste professionnel, marchand de vélos, directeur des Cycles "La Perle" (il a signé la première licence professionnelle de Jacques Anquetil), pilote automobile et enfin patron de "La Renaissance du Bessin" (le premier journal de la France libre), Guillaume Mercader n’a jamais mis en avant ses exploits.

Il n’a jamais cherché la gloire. Cet homme de tempérament n’était pas un nostalgique du temps passé. Malgré tout, la veille de son départ en retraite en juin 1980, Guillaume Mercader me confiait ­ après beaucoup d’insistance de ma part ­ ses souvenirs de la Seconde Guerre mondiale. Les souvenirs du chef de la Résistance du Bessin, qui a été l’homme clé du Débarquement en Normandie.


À bicyclette sur les routes du Bessin


« Mon premier contact avec la Résistance s’est fait chez un notaire qui m’a proposé en février 1941 de créer un réseau. J’ai répondu par un oui enthousiaste. » Le réseau OCM (Organisation civile et militaire) était constitué et opérationnel dès février 1942 avec une puissance de feu de 87 agents venant d’horizons très divers : « Il y avait entre autres, les cheminots qui étaient importants car  ils nous donnaient le trafic des dépôts des gares. » Guillaume Mercader, soucieux de la sécurité et de l’efficacité de ses agents, avait parfaitement compartimenté son réseau : « À tel point que mon voisin d’en face, qui tenait la librairie et qui était mon agent, se demandait à la Libération qui était son chef. Lorsqu’il a su que c’était moi, nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre », expliquait-il encore amusé de la situation.

Chargé par les Allemands d’entretenir leurs vélos, le Bajocasse a trouvé une idée géniale pour dissimuler sa TSF : « Lorsque les Allemands venaient chez moi, ils avaient une tendance à discuter et à se lâcher. J’en profitais pour leur soutirer de précieux renseignements. Pour cacher ma TSF, j’avais trouvé un bon moyen : la mettre en vitrine. J’avais exposé un vélo avec ses sacoches. Ma TSF était planquée à l’intérieur et j’étais sûr qu’ils n’iraient pas la chercher dans les sacoches qui étaient là sous leurs yeux. »


Le travail de Guillaume Mercader a été fondamental pour la réussite du Débarquement : « Pour récolter les informations sur les défenses des côtes de Courseulles-sur-Mer à la pointe du Hoc, je circulais à vélo avec ma licence professionnelle en poche. Sur la route, des agents de liaison me donnaient des papiers que je dissimulais dans des enveloppes plaquées contre mon torse. Les croquis que je faisais moi-même, je les cachais dans mon guidon. J’allais ensuite déposer mes informations dans une boîte aux lettres à Caen. » À chaque fois qu’il circulait près de la Pointe du Hoc, Guillaume Mercader était arrêté : « J’ai été très souvent contrôlé par les Allemands à cet endroit éloigné de Bayeux. Il fallait que je leur explique que je m’entraînais alors que je ne courais plus que pour la Résistance. J’ai eu de la chance, ils m’ont toujours laissé passer. Mais je n’ai jamais pu approcher la pointe. »


« Les dés sont jetés »


Guillaume Mercader a été informé du Débarquement par l’un des messages personnels “Suez est une place chaude”, suivi le lendemain d’une suite “Les dés sont jetés” : « J’ai été très surpris et ému d’apprendre que les Alliés allaient débarquer dans notre secteur. J’ai prévenu ma femme et les membres du réseau. » Le 14 juin, il a accueilli le général de Gaulle à Bayeux qu’il a guidé dans les rues de la ville jusqu’à la place du Château. Guillaume Mercader a ensuite été affecté au service des renseignements américain jusqu’à la fin de la guerre. Il a eu le triste privilège d’être l’un des premiers officiers français à pénétrer dans les camps de déportation de Buchenwald, le 14 avril 1945, de Dora, le lendemain, et, le 29, à Dachau.

Tout comme Eisenhower qui a déclaré à la suite de sa visite des camps : « Jamais de ma vie, en aucune circonstance, je n’ai connu un choc pareil », Guillaume Mercader a lui aussi laissé une part de lui-même dans ces camps de la mort.

Bayeux a rendu hommage à Guillaume Mercader (1914-2008), chef de la Résistance du Bessin, en baptisant le second rond-point de l’entrée de la ville, près de la gare SNCF, à son nom. Le premier étant réservé à Eisenhower. La réunion du soldat de l’ombre et du chef suprême des forces alliées est tout un symbole que n’ont pas manqué de souligner Patrick Gomont, premier magistrat de Bayeux, et Jean-Léonce Dupont, l’ancien maire de la cité épiscopale et président du Conseil départemental du Calvados, garant de la mémoire d’une ville qu’il chérit.

 

Pascal Hébert







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