Françoise Héritier ne disait pas que des bêtises
Publié le Par Fabrice Bluszez
Ji-Elle
Non, à l'instar de Marguerite Duras, Françoise Héritier ne disait pas que des bêtises, elle a aussi écrit beaucoup de choses. L'anthropologue est décédée ce mercredi 15 novembre à Paris.
Sans doute vous ne connaissez pas Françoise Héritier. Comme Claude Lévi-Strauss, elle est anthropologue, ces gens qui étudient l'homme, son évolution, écrivent des livres et donnent des conférences et n'apparaissent dans l'actualité que rarement... Pourtant, Françoise Héritier est intéressante parce qu'elle beaucoup travaillé sur le masculin et le féminin.
Pour le détail, on renverra à sa page Wikipedia. Mais voici un extrait relevé par Sciences & Avenir qui correspond bien aux débats du moment, sous le titre "L'homme est la seule espèce qui tue les femelles".
Pourquoi, alors qu'il y a toujours deux sexes dans chaque espèce, seul le sexe féminin est-il capable de reproduire charnellement l'un et l'autre ? Mais pourquoi ne le peut-il qu'après des rapports sexuels avec un mâle ? La réponse unique à ces questions a été que les mâles mettent les enfants dans les femelles, qui deviennent ainsi une ressource nécessaire afin qu'ils se reproduisent. La néoténie* de l'espèce et la dépendance des nourrissons fait partie de cet engrenage. »
Ce modèle explicatif, construit par l'esprit humain en des temps qui ignoraient la génétique, a connu un succès fantastique. Il s'accompagne de conséquences parfois extrêmes : l'assignation des femmes à la maternité, puis au domestique, par des moyens plus ou moins contraignants (la privation d'user librement de son corps, d'accéder au savoir, aux situations de pouvoir, la condescendance et le mépris…). Il s'accompagne aussi de l'appropriation par des hommes particuliers des capacités de femmes particulières et de la volonté de jouissance exclusive de ces capacités sexuelles, procréatives ou productives, et donc aussi du droit à la contrainte qui va jusqu'au meurtre.
C'est parce que l'Homme est un produit de la culture que, seul parmi les espèces animales, il pense avoir le droit de frapper ou de tuer des femmes dont il pense qu'elles sont à sa disposition. Mais c'est aussi, puisqu'il ne s'agit pas d'une "nature" contraignante de l'Homme, une raison de croire en la possibilité d'un bouleversement radical de ces représentations archaïques infondées parvenues jusqu'à nous. »
*Le fait de rester juvénile ou enfant très longtemps.
On pourra lire aussi, dans Le Monde, cet hommage signé Christiane Taubira. Il ouvre d'autres pistes. Il s'intitule : Françoise Héritier, un esprit libre et opinâtre.