"Il n'y a plus d'investissement et plus d'embauche. Ce que je vois surtout chez les chefs d'entreprise, c'est de l'attentisme, de la méfiance. La situation économique du pays est catastrophique".
On est donc, selon Pierre Gattaz, au bord du gouffre. Encore un pas et ce sera le suicide provoqué par un gouvernement qui ne veut rien comprendre, par des syndicats qui ne veulent rien entendre, devant les visages effarés de chefs d'entreprise rendus impuissants. Bonnes vacances à tous !
Certes, le patron des patrons se garde d'enterrer avant l'heure le pacte de responsabilité de François Hollande et évoque même une douzaine de mesures "turbo" - qu'il présentera à son université d'été - pour "générer de l'emploi rapidement", mais c'est le jugement négatif, voire désespérant, que l'opinion retiendra.
Mitrailleur français
Ce n'est pas la première fois que Pierre Gattaz mitraille à tout va. En effrayant parfois ses propres troupes ou d'anciens responsables. En avril dernier, il avait proposé la création d'un "smic intermédiaire" pour "un jeune ou quelqu'un qui ne trouve pas de travail", ce qui avait provoqué, à de rares exceptions près, une levée de boucliers dans le personnel politique et parmi les syndicats. Mais l'attaque la plus dure était venue de… l'ex-présidente du Medef. "Proposer un salaire en dessous du smic s'apparente à une logique esclavagiste", avait lancé Laurence Parisot qui, auparavant, s'était opposée à son successeur sur le dossier des intermittents. Gageons que, s'il ressort le "turbo" du "smic intermédiaire", certains dans ses propres rangs se précipiteront pour couper le contact.
Car Pierre Gattaz va réveiller la… méfiance du pouvoir politique qui se demande si, vraiment, le patron des patrons jouera le jeu, l'hostilité des syndicats face aux "toujours plus" du Medef et les doutes d'une majorité parlementaire déjà chancelante. Et ce dans une période où les mécanismes de relance de notre économie se mettent progressivement en place.
"Les entrepreneurs sont des héros", lit-on dans "Le Figaro". Il n'est pas sûr que les patrons voient très longtemps Gattaz comme leur héros !
Confiance allemande
Peut-être préféreraient-ils un leader du style de Wolfgang Schäuble ?
Le ministre des Finances allemand n'est pas un tendre. Surtout vis-à-vis de la France. Mais lui, au moins, ne prédit pas l'apocalypse. Dans une interview croisée avec son homologue français Michel Sapin, parue à la fois dans "Les Echos" et le "Handelsblatt", il affirme que le pacte de responsabilité de François Hollande est le "chemin à suivre" car il va créer un "meilleur climat" et permettre aux investissements et à la demande privée de croître. Il rappelle ainsi que "le principal en matière d'économie, c'est la psychologie". Le maître mot : la confiance. Ce que détruit systématiquement Pierre Gattaz en ne parlant que de méfiance !
Le mitrailleur se tire des balles dans le pied et ça ne fait rire personne.
Patrick Béguier est journaliste et écrivain. Il est le conseiller éditorial de Paris Dépêches.