Disparition d'un footballeur: comme un malaise
Publié le Par Jacques-Henri Digeon
Pour dramatique qu’elle soit, la disparition du footballeur Emiliano Sala dans la Manche pose des questions…
Consternation dans le monde du football : Emiliano Sala (28 ans) a disparu en mer, au large de Guernesey, alors qu’il avait quitté Nantes à bord d’un avion de tourisme, laissant au vestiaire de La Beaujoire le maillot des Canaris pour rejoindre le Pays de Galles et porter la tunique bleu de des Bluebird de Cardiff City.
Six fois son salaire. Six fois mieux. Une histoire de transfert qui avait mal commencé et qui s’est achevé en drame. Bien que meilleur buteur du club nantais avec treize buts, l’Argentin était couché sur la liste des partants au mercato d’hiver. Au début, il n’était pas trop partant et préférait rester jusqu’en juin sur les bords de l’Erdre, ambitieux de voir un club plus huppé s’intéresser à lui. Mais la pression des décideurs du club et des horizons financiers beaucoup plus lucratifs l’auraient fait changer d’avis : de 50.000 euros, son salaire serait monté dit-on à… .300.000 euros dans le club gallois ; six fois plus ! Comment résister ? Même objectif pour les dirigeants nantais, Waldemar Kita et son fils Franck qui lorgnaient sur les 17 millions d’euros que rapporterait ce départ. Et cela contre l’avis de Vahid Halilhodzic, l’entraîneur qui comptait sur son attaquant vedette, auteur de treize buts depuis le début de saison ; ce que l’on peut comprendre. Mais voilà, ‘’Coach Vahid’ (c’est comme ça qu’on l’appelle…), bien que technicien emblématique du club nantais, revenu en octobre pour remettre le FCN sur de bons rails semble n’être qu’un salarié ; et ne doit s’occuper que du terrain et surtout pas des affaires C’est du moins ce que l’on peut imaginer… « Quand je lui ai demandé s’il voulait rester avec nous, il m’a dit non, qu’il voulait partir. J’ai demandé à ce qu’on lui appelle un taxi, mais une voiture l’attendait déjà devant l’hôtel. Tout était organisé, préparé », a raconté d’une colère rentrée l’entraîneur lundi en conférence de presse. Une déclaration qui en dit long…
Les ‘’Pourquoi’’ ? Alors aujourd’hui, tout l’univers footeux va s’associer à la douleur de cette disparition, invoquer le mauvais sort, rendre hommage au joueur (sûrement apprécié de tous), raconter une carrière exemplaire, observer des minutes de silence, déposer des fleurs… Puis viendra le temps des questions : pourquoi ne pas avoir pris la place dans l’avion de ligne réservée par Cardiff ? Pourquoi un avion privé visiblement pas en bon état* ? Pourquoi un changement de pilote ? Pourquoi ce départ à la sauvette ? Et qui plus est de nuit ? Qui a organisé ce voyage ? Et où était le staff des dirigeants (muets hier mardi) ? Bien sûr, le destin … Mais on peut aujourd’hui dénoncer une fois encore ces pratiques du football : ces marchés de transfert où trop de joueurs (pas les stars) ne sont plus que des marchandises et cèdent aux sirènes de l’argent et d’une gloire incertaine. Combien en a-t-on vu partir en Angleterre et revenir au pays un an ou deux après, sans laurier mais le portefeuille bien garni. Il faudra également s’interroger les qualités de gestionnaire de certains dirigeants et surtout sur leur sens de l’humain. Aujourd’hui à Nantes, le propriétaire et le directeur d’un club qui a usé de nombreux entraîneurs (six depuis mai 2016 !), peuvent êtres tristes mais aussi se sentir mal, très mal à l’aise…
* Avant le décollage et après que l’avion a enfin démarré, Emiliano Sala a écrit le message suivant : « On dirait qu’il est sur le point de tomber en morceaux » avant de dire plus tard dans un autre message : « J’ai peur… »