Tournoi des VI Nations : le Quinze de France a les crocs
Publié le Par Jacques-Henri Digeon
Nouveau sélectionneur, nouveaux joueurs et dit-on nouveau plaisir. Le Quinze de France affronte samedi l’Irlande dans un match que le rugby hexagonal espère être celui du renouveau
Et pour commencer, une bonne dose d’optimisme pour l’avenir du rugby français et d’un Quinze de France armé jusqu’aux dents. Dans L’Equipe du 29 janvier, quelques Bleus ont témoigné de leurs premiers contacts à Marcoussis avec Jacques Brunel. Et l’un d’eux (on ne sait pas qui…) confiait que désormais, il n’y a « pas besoin de demander l’autorisation pour aller acheter un tube de dentifrice au supermarché d’à côté. » Les dents plus blanches, serait-ce la l’arme fatale du Quinze de France samedi contre l’Irlande ? Bon trêve de plaisanterie, après des mois de disette, il se dit que les Bleus ont les crocs.
Tout nouveau tout beau. Et cela après seulement deux semaines d’un nouveau rassemblement, d’un nouveau sélectionneur, d’un nouveau staff, d’une nouvelle ambition. A lire ce papier de notre confrère Richard Escot, on a franchement l’impression qu’il ne s’est rien passé sous l’ère Novès. Pèle mêle, on apprend que le tout nouveau tout beau Brunel, est « proche de nous », qu’il « donne des consignes, il y un plan de jeu », que « nous sommes maîtres du jeu » qu’il « est profondément humain, chaleureux », n’en jetez plus les 22 mètres sont pleins. A croire que Guy Novès ne donnait pas de consignes, ne créait pas de système de jeu, qu’il vivait dans sa bulle sans se soucier des états d’âmes, et tout et tout… Peut-être y a-t-il un une part de vrai dans le domaine relationnel mais ce serait faire un mauvais procès au Toulousain, fort de ses quatre coupes d’Europe et de ses nombreux titres nationaux, que de réduire son mandat au degré zéro… Et puis, n’oublions pas que c’est le lot de tout nouveau sélectionneur d’être automatiquement considéré meilleur que son prédécesseur : Novès meilleur que Saint-André lui-même meilleur que Lièvremont. L’effet Brunel durera t-il, c’est là toute la question.
Gagner, d’abord. De cette visite par journaliste interposé, on retiendra quand même ce qu’a constaté Rémi Lamerat, le centre clermontois : « Si un mot revient, c’est le mot plaisir. ». Là, on veut bien le croire, Guy Novès n’ayant pas vraiment le profil du bon vivant mais plutôt du genre professoral. Il est vrai également que, comme il l’a confié à Vincent Pialat, correspondant du Parisien/Aujourd’hui à Toulouse (31 janvier), sa deuxième année de contrat ne fut pas des plus sereines : « Il y a eu de l’ingérence dans mon travail, les interventions de Serge Simon ont altéré l’efficacité de mon discours (…) Cela a sapé mon autorité, les joueurs n’ont plus su qui suivre.»
Avec Jacques Brunel, protégé du président et désormais seul décideur du Quinze de France (ce qu’affirme haut et fort Bernard Laporte), le discours ne sera que d’une voix et les Bleus en route dans une même direction. Du plaisir, il faut en souhaiter aux Français samedi après-midi, face à cette Irlande, classée ni plus ni moins 3e puissance rugbystique mondiale derrière les All Blacks et nos ‘’amis’’ anglais. A Saint-Denis, dans un Stade de France qui vient toute juste de fêter ses vingt ans, le rugby hexagonal tournera en tout cas une des pages les plus importantes de son histoire en vue de retrouver sa place dans le rugby mondial et sa crédibilité.
Apaiser les tourments Et d’abord sur le terrain. Mais plus question de manque de réalisme, de pression paralysante, de jeu sans âme, d’absence de méthode, tout ce qu’on a vu et entendu depuis des mois. Et pas question non plus de se satisfaire d’une défaite honorable, d’un échec encourageant, d’un avenir prometteur, de bonnes choses à retenir. Fini les discours nian-nian, les excuses et explications tarabiscotée ! Une seule chose samedi vers 20 heures : la victoire de préférence avec la manière et pourquoi pas sans…
Sans pour autant renier tout ce que Guy Novès a essayé de construire pendant deux ans, un succès permettrait d’envisager une suite de Tournoi plus sereine avant un voyage périlleux en Ecosse et les réceptions d’une Italie toujours accrocheuse et d’une Angleterre montre d’efficacité. Un succès : et bingo pour Bernard Laporte ! Un, le licenciement pour le moins brutal et mal géré de Guy Novès et le choix de l’ami Jacques Brunel lui redonneraient un petit peu de crédit, sportivement parlant. Deux, le tourment des affaires dans lesquelles il s’est fourré (favoritisme montpelliérain, maillot de l’Equipe de France, licenciement hors règles et autres…) s’apaiserait tout autant que la triste ambiance qui semble régner dans les bureaux fédéraux de Marcoussis. Pour ‘’Bernie’’ ce serait déjà ça de gagné !
Place aux jeunes. Après un Tournoi 2017 sans autre satisfaction qu’une heureuse 3e place, après les tournées désastreuses de l’été et d’automne, on n’ose alors imaginer les conséquences d’un nouveau revers face aux Irlandais de Johnny Sexton. S’il a confirmé le capitanat de Guilhem Guirado et conservé quelques pointures de métier, Jacques Brunel n’a pas hésité à faire confiance à cette jeune génération prometteuse mais trop souvent sacrifiée sur l’autel de l’expérience. Du plaisir avant tout, nous annonce t-on, un jeu simplifié, l’inspiration en maître mot, vitesse, efficacité, sobriété, responsabilité et tutti quanti. Tout cela ‘’ réappris’’ en seulement deux semaines d’un rassemblement qui pourrait ressembler à un stage commando. C’est avec ces principes que le Quinze de France pourra de nouveau s’aiguiser les dents pour un avenir enfin souriant
France-Irlande, samedi, 17h45 au Stade de France de Paris/Saint-Denis.