Football : pour un moment d’égarement…
Publié le Par Jacques-Henri Digeon
Dimanche soir, un arbitre, Tony Chapron, a craqué et vu rouge. Mais son mauvais réflexe, s’il est condamnable, n’est pas si inexplicable que cela.
Le monde du football est en ébullition. Et les habituels montreurs du doigt vont se régaler. Pensez donc, à la fin du match Nantes-PSG, un arbitre se plante et fait un croc en jambes au joueur qui l’avait fait tomber ! Bien entendu, mauvais réflexe ou non, glissade ou non, cette action ridicule va jeter le discrédit sur Tony Chapron , voire, pour les plus virulents, sur l’ensemble du corps arbitral. Bien sûr, l’auteur (qui s’est depuis excusé) de ce geste insolite et en tout cas inédit dans les annales du foot français, a été immédiatement suspendu et l’expulsion du joueur nantais annulée. Bien sûr, cet arbitre a une réputation quelque peu sulfureuse, réputé pour son autorité parfois à la limite, pour « se moquer, chambrer ou pourrir l’ambiance », dit sans retenue l’ex- Monégasque Modesto (Aujourd’hui, 16 janvier).
Pression permanente. Mais avant même de condamner Tony Chapron, il convient de s’interroger sur ce qui l’a amené à ce moment d’égarement. Et si c’est ‘’tombé’’ sur lui, qui nous dit qu’un de ses confrères ne craquera pas également un jour ou l’autre. Car au-delà des sifflets, des insultes et des traditionnelles vociférations des supporters bornés qui les envoient aux ‘’p’tits coins’’ (pour être poli), ces hommes en noir (qui ne le sont plus d’ailleurs…) officient (et vivent ?) avec une pression de plus en plus forte. Celle des entraîneurs et patrons de clubs qui masquent trop souvent les errances de leur équipe par une critique acerbe des décisions arbitrales, qu’elles soient justifiées ou non, surtout en cas de défaite. Cela fait partie du jeu, diront-ils pour se dédouaner mais à forcer le trait, on peut déraper et faire déraper… N’oublions pas non plus ces débats dans les médias audio et télé, passionnés à l’excès pour faire l’audience et qui ne font qu’accentuer le stress arbitral. « Ce milieu ne leur pardonne rien », écrit Saïd Ennjimi, ancien arbitre international et consultant de L’Equipe (16 janvier)
Provocations. Et puis surtout, il faudrait bien que le football dans son ensemble réagisse aux excès des joueurs et à leurs comportements de plus en plus déviants et provocateurs : criailleries permanentes, exagération gestuelle : bras levés de protestation ou de réclamation, chutes et vols planés, simulations de blessures, rictus de suffisance, terrain gagné sur les remises en touche et surtout ces attroupements menaçants autour de l’arbitre parfois même en le touchant ce qui ne devrait pas être toléré. En passant, personne ne s’est offusqué de la photo de l’AFP (Agence France Presse) où l’on voit Diego Carlos la main ferme appuyée sur le flanc de Tony Chapron. Au rugby et dans d’autres sports, le moindre contact un peu rude avec le directeur de jeu sera sanctionné. Pas au foot…
Sans parler enfin de ces foires d’empoignes dans les dix-huit mètres lors d’un corner ou d’un coup franc, ces ceinturages, ces tirages de maillots qu’aucun arbitre ne sanctionne plus tellement ces bousculades sont entrés dans une certaine légalité. Mieux vaut fermer les yeux plutôt que d’attirer la foudre… C’est peut-être pour toutes ces raisons que Tony Chapron a, un dimanche soir de janvier, craqué et failli. « Il est temps de remettre de l’humain et de la proximité dans notre arbitrage », dit encore Saïd Ennjimi.
Bon point mais... De cette affaire, on retiendra -un bon point- qu’une grande partie des acteurs de la Ligue 1 n’a pas condamné ni enfoncé Tony Chapron reconnaissant même ses mérites et son arbitrage. Comme pour se donner bonne conscience, comme une trêve. Mais cela durera t-il ?
Puisse en tout cas ce moment d’égarement nous faire espérer une accalmie du climat sur et hors des terrains. Et que les instances du football se penchent enfin sur ces dérives. On peut rêver…