Inflation, transactions non conventionnelles, croissance : les mauvaises eaux de la BCE
Publié le Par Un Contributeur
Comme prévu, la Banque centrale européenne a maintenu, jeudi, son principal taux d'intérêt à 0,25%. Le statu quo, malgré l'inquiétude affichée par les investisseurs face aux risques de plus en plus évidents d'un déflation en Europe. S'aventurer dans le domaine des transactions "non conventionnelles" est-il une solution ? Par Antoine Laray
Les premiers jeudi de chaque mois à 13 h45, le monde de la finance est tourné vers Francfort. La Banque Centrale Européenne va donner l’orientation des taux d’intérêts qui doivent définir la politique économique des pays, mais aussi le niveau des prêts bancaires. A 14H30, c'est la grand-messe que personne ne saurait manquer : la conférence de presse du président de la BCE, Mario Draghi. Mais à l’approche d’une correction, la Banque sait distribuer les petites phrases qui éviteront une épidémie de crises cardiaques.
Un premier démon erre près de la BCE. Il fait peur, c’est l’inflation. Il est vrai que pour le moment si l’on note qu’elle n’a été que de 0,5 % en mars en Europe, en raison notamment de prix de l’énergie en baisse, tout laisse penser que « le scénario de la BCE du développement à moyen terme d’une inflation modérée est en train de prendre forme lentement », indique la Société Générale, qui rappelle aussi que « les statistiques économiques de la zone euro se sont améliorées ». L’enquête Markit, montre notamment une amélioration des indicateurs d’achat du secteur privé, qui ont connu leur meilleur premier trimestre depuis trois ans, confirmant ainsi la bonne croissance du secteur manufacturier.
Le problème est que si l’inflation est souvent considérée comme facteur de risques, elle reste nécessaire pour assurer une croissance économique. Tout est une question d’équilibre. C’est tout bête : bien sûr que l’on va voir les salariés descendre dans la rue pour des revendications salariales, mais davantage ils gagneront, davantage ils consommeront. Bien sûr les prêts bancaires seront chers, mais ils seront annihilés par les taux des années suivantes. Bon tout ça n’est pas si simple, quand une économie carbure trop elle risque de partir en vrille, nous ne sommes plus dans les « Trente glorieuses » quand il fallait reconstruire et moderniser le pays à coup de taux vertigineux. Mais a contrario, le spectre de la déflation, déjà une réalité au Japon, laisse planer d’autre menace et pas les moindres. C’est alors la panne sèche, on consomme de moins en moins, le chômage augmente et puis tout à coup, plus personne n’achète… La crainte de la BCE : la panne de l’inflation doublée de mauvais résultats économiques..
Lire : Euro fort et déflation latente
Un autre démon rôde autour des tours de Francfort : le retour de la planche à billets. Nous rentrons dans le domaine des transactions « non conventionnelles» (QE, quantitative easing). Mais la BCE tenante du dogme de la rigueur imposée par l’Allemagne quand il fut question de créer la Banque centrale ne mange pas de ce pain-là. Quoique.
En revanche, la Réserve fédérale amèricaine n’a pas hésité. En achetant des bons du trésor ainsi que toutes sortes d'autres titres adossés à des dettes hypothécaires de banques commerciales, la banque centrale obtient ainsi un titre de dette ; elle dépose ensuite dans le compte de la banque commerciale le montant correspondant.
Lagarde contre Draghi ?
Et là, asseyez-vous, cet argent est « créé » à partir de rien, ce que la banque centrale peut faire autant qu'elle veut (même si cette « planche à billets » ne produit que des comptes électroniques). Tout ça est comptabilisé dans la masse monétaire existante, utilisée dans les transactions quotidiennes. Ce bon argent sert par la suite de réserves aux banques commerciales, qui peuvent multiplier le nombre de prêts. Je vous fait grâce des mécanismes, il faut simplement savoir que ces manipulations des banques et de la Banque centrale font gonfler la quantité de crédit. Et s’il y a trop d’argent ? Pas de problème, la banque centrale le retire de la circulation, en se servant dans ce que les banques lui donnent en guise de paiement…un argent qu'elle peut faire disparaître de la même façon qu'elle l'a créé. Autre avantage du système, le cours du dollar vogue à un niveau de change très bas, ce qui arrange l’industrie américaine.
Donc, l’Europe a des principes. Enfin, les investisseurs ont néanmoins noté jeudi un changement important dans la phraséologie de la BCE. Mario Draghi a précisé que la BCE était « résolue » à maintenir une politique accommodante, avant d’insister lourdement sur l’unanimité au sein du conseil quant à l’usage éventuel de mesures non conventionnelles en cas de risque d’inflation durablement basse. On a appris à l’occasion que le conseil a longtemps discuté de l’hypothèse d’un « QE » Cela dit, Mario Draghi, le président de la BCE, n’a pas vraiment goûté les propos tenus par Christine Lagarde, directrice générale du FMI, hier, qui estimait «nécessaire» que la BCE assouplisse davantage sa politique monétaire, notamment en recourant à des mesures non conventionnelles.
Je pourrais conclure genre docte : les statuts de la BCE ne sont pas adaptés à la réalité du temps ; ironique : à quoi servent ces petits billets si verts et pourtant si changeants ; inquiet aussi : au moment même où la mondialisation devient réalité, est-il bien raisonnable de voir billets, bons du trésor ou titres bancaires circuler de par le monde imposant une valeur que l’on ne connaît pas.
Tiens ce serait bien une idée de crise…Non ?
Antoine Laray est journaliste économique et financier