Quand la très virtuelle bitcoin s'invite dans la cour de nos monnaies
Publié le Par Un Contributeur
Le bitcoin est une monnaie d'échange électronique inventée par des petits génies de l'informatique qui rêvent de damer le pion aux devises officielles. En somme, une monnaie virtuelle qui échapperait à l'emprise des Etats ! Le montant de la devise virtuelle en circulation représente actuellement environ 7 milliards de dollars. Inquiétant, non ? Par Antoine Laray
Je laisse filer sur mon écran les dépêches d’agences. J’arrête, tiens à Singapour, le 26 février. Autumn Radtke, âgée de 28 ans a été retrouvée morte dans son luxueux appartement d’une tour résidentielle de la Ville-Etat. La police a indiqué dans un communiqué avoir trouvé la jeune femme « gisant sur le sol », laissant envisager l'éventualité d'un suicide. Elle dirigeait la société First Meta, une plateforme d’échange d’une monnaie électronique, le « bitcoin ». Sale temps pour cette « devise » virtuelle !
Je remonte le fil des agences de presse. En quelques semaines, on a appris les fermetures des plateformes d'échange Flexcoin, qui a annoncé le vol de 600.000 euros, et que MtGox, l'une des plus anciennes et importantes Bourses d'échange de bitcoin, a cessé ses transactions depuis le 7 février. Au tour maintenant de First Meta, dont on ne peut affirmer qu’elle survivra à sa dirigeante.
Attention, nous allons rentrer dans un curieux monde soi-disant virtuel, mais qui est surtout virtuel pour ceux qui pensent encore que la planète peut devenir un village convivial, à moins que ce village ne ressemble au village du « Prisonnier », vous savez la série culte des années soixante « Bonjour chez vous ». Avec même un autre point commun : qui est le numéro Un ?
On se rappelle des expériences du style « Second life », où chaque participant créait un monde d’avatars. Justement, le besoin d’une devise dans ce jeu s'est fait ressentir. Le bitcoin est donc né du rêve d’une monnaie mondiale qui échapperait à l’emprise des Etats. Même si, à y réfléchir, on n’est pas loin de la schizophrénie érigée comme valeur à l’échelle mondiale, plus prosaïquement : comment financer le jeu ? (manière élégante de dire : combien le jeu peut-il rapporter !)
Génial !
Il fallait donc rendre opérationnelles des plateformes pour gérer les achats et les ventes des internautes, ce qui implique de créer un système de change entre nos devises bien réelles, euros, dollars ou yens et les bitcoins achetés par l’internaute. D’où la mise en place de sociétés comme First Meta, Flexcoin ou MtGox. Seulement voilà, si au début on pouvait assimiler ce jeu en ligne à un jeu d’argent, au même titre que le poker, les Maîtres du bitcoin ont commencé à vouloir élargir le champ de la devise en lui donnant une valeur non plus virtuelle mais très réelle. En furetant sur Internet, j’ai ainsi trouvé une option "comment jouer sur les marchés à terme", genre or ou pétrole. Des marchés dérivés qui peuvent faire doubler son capital tous les jours ou presque. Allez demander à Jérôme Kerviel ce qu’il en pense. Si la Bourse pouvait doubler votre capital tous les jours, croyez bien que cela se saurait.
Oui je sais, je cause, alors qu'on peut se dire : n’est-ce pas quand même génial l’avènement d’une devise mondiale ?
Un détail quand même ! La valeur d’une monnaie, on est payé pour le savoir en Europe, se calcule par rapport à la production industrielle, à l’endettement du pays aussi, le tout cuisiné par le marché des changes.
Justement si l’euro est une devise certes sympathique mais qui parfois commence à nous… courir, c’est que justement les 17 pays de la zone euro ont été un peu rapides dans leur volonté de marier carpes et lapins. Les tenants du bitcoin n’en sont pas eux à ce genre de détails. Ainsi Bitstamp, une autre plateforme d'échange de bitcoins, indique que son cours s'établissait mercredi à 685 dollars environ selon la simple loi de l’offre et de la demande. Tant pis si on ne comprend pas comment ces 685 dollars sont sortis du chapeau. Plus inquiétant, les montants de la devise virtuelle en circulation représentent actuellement environ 7 milliards de dollars.
Pas virtuelle pour tout le monde
La plateforme MtGox, domiciliée au Japon, s'est placée sous la protection de la loi sur les faillites, évoquant la perte d'un demi-milliard de dollars en monnaie virtuelle qui pourrait lui avoir été volé. Il est vrai que sur le papier, pardon, dans le « Cloud », la devise n’a besoin ni de banques ni d’intermédiaires. Deux personnes suffisent. Du coup, seuls des frais minimes sont prélevés pour l'entretien du réseau. Sauf qu’il aurait été bien étonnant que quelques hackers ne sèment pas des virus là-dedans. Et il ne reste plus aux internautes « New-âge » qu'à constater la perte de leur fortune, celle très réelle, libellée en dollars, euros ou yens etc. La faillite de société Mt.Gox a fait perdre des millions aux personnes qui lui avaient confié leurs bitcoins. 750.000 bitcoins clients !
Une autre question se pose : qui est le numéro Un du village ? Depuis la mise en circulation du bitcoin, un épais mystère entoure le créateur de cette monnaie virtuelle. Dans une longue enquête publiée cette semaine, le magazine américain Newsweek affirme avoir mis au jour son identité. L’intéressé dément. Selon le journal, le créateur du Bitcoin s’appelle réellement Satoshi Nakamoto. Il est Américano-Japonais, il a 64 ans et « un penchant pour la collection de modèles de trains et une carrière enveloppée dans le secret, ayant effectué des tâches classifiées pour de grosses sociétés et l’armée américaine ». La question a son importance, ne serait-ce que pour aller vérifier la fortune du monsieur.
Le gouvernement japonais doit se prononcer sur le statut du bitcoin dans le cadre de la législation niponne en vigueur. Les banques et firmes de courtage japonaises ne devraient pas être autorisées à traiter les bitcoins dans le cadre de leurs activités principales, selon ces sources, ce qui suggère qu'ils seraient assimilés à une matière première comme l'or.
De son côté, Pierre Moscovici, notre ministre de l'Economie et des finances, a plaidé mardi pour une concertation européenne sur la régulation des monnaies virtuelles.
Rien ne vous gène dans ces déclarations ?
Bon, comme vous voulez ! Le bitcoin ne se serait-il pas déjà invité dans la cour des grands? Certains propos pourraient le laisser penser.
Bonjour chez-vous !
Antoine Laray est journaliste économique et financier