Elizabeth Warren : un shérif à Wall Street
Publié le Par Un Contributeur
Aux clameurs saluant la réélection de Barack Obama se succèdent déjà les interrogations sur l'arrivée de Xi Jinping, futur président de la République de Chine. Les projecteurs de l'actualité internationale se détournent un peu trop vite de la scène américaine ! Le 6 novembre ne se résumait pas à un combat de géants pour la Maison-Blanche - par Patrick Béguier
Wall Street avait un œil inquiet sur un autre affrontement : dans le Massachusetts, une certaine Elizabeth Warren, 63 ans, professeur de droit à Harvard, tentait de ravir son siège de sénateur au républicain sortant, un dénommé Scott Brown. Anecdotique ?
Il faut savoir que cette honorable dame, issue des classes moyennes, est la bête noire de la finance américaine. Sa notoriété est devenue très grande Outre-Atlantique. Après s'être spécialisée dans le droit des faillites - ce qui lui a permis de voir les terribles conséquences qu'entraînaient ces procédures pour les petites et moyennes entreprises, les femmes, les personnes âgées et les travailleurs pauvres -, elle a commencé à s'intéresser de plus près aux agissements des banquiers et a fini par entrer en politique. Pas sur la pointe des pieds, mais plutôt le colt à la main ! "Vous avez transporté vos marchandises sur des routes payées par le reste de la société ; vous avez engagé des ouvriers dont nous avons assuré la formation ; vos usines étaient sûres grâce aux forces de police et aux pompiers que nous avons financés !" s'est-elle exclamé. Sa colère s'est répandue dans les réseaux sociaux. La presse a suivi, certains journaux qualifiant Elizabeth Warren de "shérif de Wall Street"…
Rien d'étonnant à ce qu'elle ait participé à la création du CFPB, Consumer Finance Protection Agency (Bureau de protection financière du consommateur) dans le cadre de la loi Dodd-Frank de réforme financière. Pas surprenant non plus que le président des États-Unis l'ait appelée auprès de lui, en septembre 2010, comme "special assistant".
Mais Wall Street espérait bien que cette pasionaria serait battue par Scott Brown. Pas de chance : elle a conquis le siège. De haute lutte, évidemment ! "Je ne serai pas juste votre sénateur, a-t-elle assuré devant ses électeurs. Je serai aussi votre champion !" Il va être encore plus difficile pour les apôtres du libéralisme de se débarrasser d'Elizabeth Warren qui, a-t-elle dit encore, espère "pousser l'agenda de Barack Obama". Reste à savoir si le président, dans son second mandat, prendra le risque d'une véritable régulation de la finance, alors qu'il devra par ailleurs trouver des compromis avec les républicains pour élaborer le budget et espérer maîtriser une dette publique devenue colossale.
Patrick Béguier