La relance bien tardive de la compétitivité des entreprises françaises
Publié le Par Un Contributeur
Compétitivité, relance économique par l'offre, développement de la recherche... François Hollande mobilise ce lundi le ban et l'arrière-ban de l'Etat pour la mise en oeuvre du pacte de responsabilité. Mais n'est-il pas trop tard ? Par Antoine Laray
L’heure de vérité !
François Hollande et Manuel Valls réunissent ce lundi 28 avril, à la Maison de la Chimie, les ministres, les préfets et plusieurs directions de l'État afin de « les mobiliser pour la mise en œuvre du pacte de responsabilité » ainsi que plus globalement « sur l'emploi, la compétitivité des entreprises et la simplification des procédures ».
La compétitivité, le mot est lâché ! D’ordinaire, la gauche n’aime pas. Elle préfère relancer l’économie par la demande. En clair : augmentons les salariés, embauchons dans la fonction publique, créons des emplois aidés genre emplois jeunes, le reste suivra. Dès le premier gouvernement Mauroy, en 1981, la gauche s’y est essayée et ça ne marche pas. Enfin, ça ne marche pas, faut voir. En 1981 il était clair que le tissu industriel était à bout de souffle, la crise de l’époque correspondait à une remise à l’heure de notre industrie vieillotte. Nos entreprises se réglaient à l’heure des pays émergents et leurs mains d’œuvre à bon marché. Bilan des courses : la vieille industrie s’est refait une jeunesse, tout en laissant sur le bord du chemin les chômeurs qui restaient sans emploi, vite rejoints par une armée de jeunes sans formation.
À la fin du XXème siècle, la situation devenait paradoxale. En 2000, vous vous rappelez, la bulle internet, les « jeunes pousses ». L’argent ne manquait pas pour financer tout et n’importe quoi ! Les grandes entreprises avaient alors de la trésorerie, qu’elles donnaient en pâture aux investisseurs boursiers, ou finançaient à la brouette les projets les plus hardis du Net. Enfin bref, tout sauf embaucher en France… jugé trop risqué ! Ainsi est née cette nouvelle révolution numérique qui a chamboulé notre mode de vie. La suite, on la connaît : la crise financière est passée par là, les banques sur la sellette ont asséché le flux du crédit, embarquant les entreprises dans une nouvelle crise très destructrice d’emplois.
Partie de poker
Le 11 avril dernier, à l'issue d'une série d'entretiens avec les partenaires sociaux, Manuel Valls avait déclaré vouloir « une impulsion décisive en faveur du pacte de responsabilité. » Cette réunion se tiendra lundi 28 avril, la veille d'un vote consultatif des députés sur le plan d'économies de 50 milliards d'euros à l'horizon 2017. En contrepartie, le Pacte de responsabilité et de solidarité doit « générer 200.000 emplois supplémentaires » d'ici à 2017, en plus des effets du Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi (CICE), selon le programme de stabilité 2014-2017 adopté mercredi en conseil des ministres. Les 20 milliards d'euros de crédit d'impôt en année pleine doivent permettre la création de 300.000 emplois d'ici à 2017.
On l’aura compris : François Hollande fait tapis dans une partie de poker, même s’il n’est pas certain que tout le monde joue avec les même cartes au même jeu. On l’a signalé pour le parti socialiste il s’agit d’une véritable révolution idéologique, le B-A BA de la doctrine socialiste étant que l’on peut relancer l’économie par la demande. Le Président change la voilure, et le voilà pariant sur l’offre. Les entreprises doivent relancer leur compétitivité. C’est le sens de l’allègement des charges sociales. En clair : on vous donne ce que vous réclamiez depuis longtemps, en échange vous créez des emplois et surtout vous investissez notamment dans la recherche - développement.
23ème sur 25 !
Un détail quand même ! La France a vu sa compétitivité industrielle se dégrader nettement au cours des dix dernières années. Dans une étude dévoilée la semaine dernière, le cabinet Boston Consulting Group estime que le pays affiche aujourd'hui une compétitivité inférieure d'un quart à celle des Etats-Unis. Son indice du coût de fabrication est en effet passé de 115 en 2004 à 124 aujourd'hui, là où les Etats-Unis affichent un indice de référence de 100. Au total, l'Hexagone se classe désormais au 23e rang des 25 plus gros exportateurs de produits manufacturés, cédant une place. Plus compétitive que l'Allemagne en 2004, la France a perdu son avantage en la matière. Dans le même temps, l'écart s'est creusé avec le Royaume-Uni et l'Espagne, passant de 7 à 16 points dans le premier cas et de 10 à 16 points dans le second. Cette faible compétitivité repose essentiellement sur l'évolution de la masse salariale, de l'énergie et du gaz naturel et d'autres coûts, parmi lesquels ceux d'implantation (loyers, terrain…).
Autre point mis en exergue par le cabinet : un positionnement de gamme trop standard et des investissements insuffisants dans l'appareil de production. « La compétitivité française s'est érodée ces 10 dernières années notamment sous l'effet d'une faible croissance de la productivité (seulement 5% pour la France contre 23% pour l'Espagne) mais aussi d'un retard en matière d'investissements. Bien souvent frappées d'obsolescence, leurs structures de production souffrent de la comparaison avec celles de la plupart de leurs concurrents », observe Olivier Scalabre, directeur associé au BCG. Cela ne vous rappelle pas quelque chose… La crise des années 80, par exemple? Actuellement, les États-Unis et son voisin mexicain sont les deux pays qui affichent la compétitivité-prix la plus forte, stimulée par une modération continue des salaires, une baisse des prix de l'énergie - les États-Unis sont en passe d'être indépendants dans le domaine énergétique grâce à l'exploitation du gaz de schiste - et un taux de change favorable.
L’embellie patronat – syndicats risque d’être limitée. Les deux piliers de notre système social, à savoir des salaires limite acceptables, et un système de santé – retraite dont on est d’accord pour dire qu’il faut le protéger, risquent une nouvelle fois d'être remis sur le métier.
Plus inquiétant ! La France semble partie dans une logique centrifuge… Sans savoir où nous allons nous retrouver. De ce point de vue, l’appartenance à l’Union Européenne de la France ressort pour qui n’en serait pas convaincu, d'une ardente obligation dont on ne mesure pas forcément l’ampleur mais qui nous amène à nous interroger sur le rang que nous occuperons.
Antoine Laray est journaliste économique et financier