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Dossier gaz de schiste (3/4) : l'encadrement juridique de l'exploitation des gaz et huiles de schiste

Publié le  Par Valérie Galfano

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Après avoir rappelé les données techniques de base de l'exploitation du gaz de schiste, puis évoqué les termes du débat sur cette source d'énergie, notre enquête se poursuit par une analyse économique et le dossier juridique complet.

Une différence est faite entre "permis d'exploration" et "permis d'exploitation" : seul ce dernier permet d'entreprendre des travaux après accord d'une concession.

La loi actuellement en vigueur est la loi Jacob du 13 juillet 2011 "visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique".
 Presque tout est dans l'intitulé de cette loi.

 Il s'agit d'une loi très brève comportant uniquement 4 articles :  l'article 1 se prévaut de la Charte de l'environnement de 2004 et de son principe de précaution à valeur constitutionnelle pour justifier l'interdiction à la fois de l'exploration et de l'exploitation de l'huile et du gaz de schiste au moyen de la fracturation hydraulique. Cela signifie la prise en compte par le législateur des inconvénients estimés dans ce domaine comme étant trop importants pour prendre des risques pour l'environnement.

L'article 2  crée une Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux qui a rendu un premier rapport en 2012 .
L'existence même de cette commission a été critiquée par plusieurs associations de protection de l'environnement, dont Greenpeace, au motif que les conséquences sur l'environnement de la fracturation hydraulique sont connues et indéniables et que la composition ne tient pas suffisamment compte des associations.

L'article 3 laisse 2 mois aux titulaires de permis de recherche en cours pour remettre un rapport précisant leurs méthodes d'exploitation sous peine d'abrogation de leur permis. Une infraction est créée qui consiste dans  le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l'avoir déclaré à l'autorité administrative dans le rapport prévu ; une punition d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende est prévue.

L'article 4 prévoit que le gouvernement doit rendre un rapport annuel au parlement.


Un arrêté d'application du 12 octobre 2011 a publié la liste des permis de recherche abrogés :
« Permis de Montélimar », accordé aux sociétés Total E&P France et Devon Energie Montélimar SAS par arrêté du 1er mars 2010 ;
« Permis de Nant », accordé à la société Schuepbach Energy LLC par arrêté du 1er mars 2010 ;
« Permis de Villeneuve de Berg », accordé à la société Schuepbach Energy LLC par arrêté du 1er mars 2010.

Une circulaire du 21 septembre 2012 interdit l'utilisation de la technique sismique à d'autres fins que la recherche d'énergies conventionnelles.


Une controverse juridique : La question prioritaire de constitutionnalité posée  par la  Société Schuepbach Energy LLC dans le cadre de requêtes relatives à l’abrogation de permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux.

Le Conseil d’État a ainsi été saisi par le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise (décision 1ère chambre du 19 mars 2013) de la question de la conformité à la constitution des articles 1 et 3 de la loi du 13 juillet 2011. La société Schuepbach estime que l’interdiction de la fracturation hydraulique ne respecte pas le principe d’égalité des citoyens devant la loi qui est un principe constitutionnel. Le groupe pétrolier conteste le fait que l'on peut recourir à la fracturation hydraulique pour la géothermie profonde mais pas pour  l’exploitation des hydrocarbures de schiste.

L'affaire est actuellement en instance de jugement devant le Conseil d’État qui doit décider à son tour de renvoyer ou pas la question, cette fois devant le Conseil Constitutionnel qui aura alors trois mois pour prendre une décision. À ce stade, on ne peut donc pas prévoir quel sera l'avenir de cette question. Si le CE renvoie au Conseil Constitutionnel, celui-ci pourra soit estimer qu'il n'y a pas atteinte au principe d'égalité devant la constitution, les circonstances d'exploitation étant différentes et dans ce cas, la loi de 2011 restera en vigueur, soit le Conseil va considérer qu'effectivement, il y a atteinte au principe d'égalité et dans ce cas, il déclarera la loi contraire à la constitution et elle sera abrogée.


Une remarque : Le site expérimental de Soultz-sous-Forêts, en Alsace, est la référence en matière de géothermie profonde où l'on ne constate que peu de conséquences importantes sur l'environnement.
Dans le rapport initial de la loi Jacob intitulé "Les hydrocarbures de roches-mères en France" (rapport initial de la loi du 13 juillet 2011), les auteurs comparent les deux techniques de fragmentation hydraulique.

"Il y a, toutefois, de notables différences avec les gaz et huiles de roches-mères :

granite, donc roche plus résistante qu'un schiste argileux, mais, comme cette dernière, très peu perméable en l'absence de fractures ouvertes, grande profondeur du granite et de la stimulation à Soultz, pas d'injection d'agents de soutènement (sable) à Soultz, l'ouverture irréversible des fractures étant obtenue par cisaillement et dilatance, circulation permanente d'eau pendant les années d'exploitation géothermique (avec agents anti-corrosion si nécessaire), alors que l'injection se limite à quelques dizaines d'heures pour un puits à fracturations multiples dans le schiste."




Le dossier complet sur le gaz de schiste :

1/4 : La discorde au fond du puits
2/4 : Une source d'énergie convoitée mais problématique
3/4 : L'encadrement juridique de l'exploitation des gaz et huiles de schiste