Les OGM en débat : pour ou contre ?
Publié le Par Valérie Galfano
Le débat sur les OGM est ouvert : qui est pour et qui est contre... Et pourquoi ?
La Charte de 2005 sur l'Environnement a introduit le principe de précaution :
« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leur domaine d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Une loi du 25 juin 2008 complète la réglementation relative aux OGM présente dans le code de l’environnement. Elle met en place le Haut-Conseil des biotechnologies chargé d'évaluer les risques et bénéfices des OGM pour l'environnement et la santé en rendant des avis publics.
Ils sont contre
Nous avons interrogé trois des groupes qui ont décidé de quitter le Haut-Conseil des Biotechnologies récemment car ils ont l'impression de ne pas être écoutés et que leurs arguments ne sont pas pris en compte dans l'émission des avis du Haut-Conseil des Biotechnologies.
Réseau semences paysannes
Selon Patrick Kochko, il n'y a pas de différence entre les OGM classiques et les nouveaux OGM. Dans les deux cas, il s'agit d'une mutation non naturelle alors que les industriels essaient de dire que les nouveaux OGM ne sont pas des OGM puisque les techniques de manipulations génétiques ont été modifiées.
France Nature Environnement
Marc Peyronnard nous explique que dans les anciens OGM une partie d'un gène d'une espèce est introduite dans une autre espèce. Dans les nouveaux, on peut modifier le génome artificiellement : le gène est coupé. Sur le végétal, il s'agit d'une technique aléatoire, risquée et les effets hors cible doivent être étudiés. Un effet hors cible est un effet non intentionnel.
Fabriquer des plantes résistantes a des conséquences sur les insectes. Avec les nouveaux OGM, des modifications d'espèce risquent de se produire et la modification d'un insecte piqueur par exemple peut être dangereuse.
Sur le maïs BT, qui possède une protéine qui tue les chenilles, seule la toxicité a été discutée au Haut-Conseil des Biotechnologies et pas l'utilité : on raisonne uniquement sur la solution technique et pas sur l'autonomie des agriculteurs alors que les semences sont chères. Une autre agriculture est possible qui est diversifiée en sortant du système des pesticides.
Il faut se demander ce que les techniques peuvent apporter à la société : les nouveaux médicaments peuvent être bénéfiques mais il existe des dangers en agriculture.
Il ne faut pas démocratiser les techniques.
Union nationale de l'apiculture français
Jean-Marie Sirvins estime que les nouveaux OGM utilisent des techniques qui permettent un forçage génétique par n'importe qui, il s'agit d'une « biologie de garage » peu chère. L'abeille risque d'être modifiée et elle peut devenir agressive par exemple. Les techniques ne sont pas maîtrisées et les industriels doivent accepter une réglementation. L'Europe doit résister aux industriels.
Selon lui, le professeur Bertheau est le meilleur en France en biologie moléculaire et pourtant on ne l'a pas écouté lorsqu'il a attiré l'attention devant le Haut-Conseil des biotechnologies sur les incertitudes quant aux effets des nouveaux OGM.
Ils sont pour
Voici les arguments en faveur des OGM.
La résistance à la sécheresse ou aux insectes ravageurs permet une meilleure productivité.
Il ne faut pas freiner le progrès. En conclusion du rapport provisoire du Haut-Conseil des Biotechnologies du 20/01/2016, on peut lire, au titre de la Contribution Coop de France - FNSEA - GNIS - JA - UFS :
« Les nouvelles techniques d’amélioration des plantes (NBT, en anglais) se sont développées depuis la fin des années 90 sur la base des techniques préexistantes. Elles constituent des outils complémentaires à ceux qui existent historiquement dans les programmes d’amélioration des plantes. Cependant, les innovations et améliorations ne peuvent être diffusées que si les coûts réglementaires sont acceptables au regard de la taille des marchés ciblés. Dans le processus d’évaluation et les approches réglementaires de ces innovations, nous considérons que l’approche scientifique devrait être privilégiée [... ]»
Sur le site de l'UFS (Union française des semences), dans une note du 18 mars 2016 à propos d'un rapport relatif à la sélection variétale et concluant à de nombreux avantages :
« Quelques résultats-clés :
En moyenne, et à travers les principales cultures dans l’Union européenne, la sélection variétale contribue pour environ 74% du total de la croissance de la productivité, équivalent à une augmentation des rendements de 1,24% par an ; La sélection variétale a augmenté la production des ressources agricoles à hauteur, par exemple, de 47 millions de tonnes de céréales et 7 millions de tonnes de graines oléagineuses, stabilisant ainsi les marchés et réduisant l’instabilité des prix ; L'amélioration des cultures grâce à la génétique a contribué pour plus de 14 milliards € au produit intérieur brut de l'Union européenne depuis 2000 ; La sélection variétale contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre : environ 3,4 milliards de tonnes d'émissions de CO2 directes ont été évitées en Europe grâce à la sélection variétale, au cours des 15 dernières années ; Grâce à l'amélioration des plantes, l'Europe a pu enrayer la perte de la biodiversité...»
Sur le site du Haut-Conseil des Biotechnologies on peut lire le message suivant daté du 14 avril :
« Ni la démission, ni le boycott ne sont des solutions pour faire progresser le débat et éclairer la décision publique. La richesse et l’originalité du Haut-Conseil des Biotechnologies résident dans la diversité des points de vue exprimés. C’est dans cette optique que le Haut-Conseil des Biotechnologies poursuit ses travaux et qu’il invite les organisations démissionnaires à reconsidérer leur position. »
Deux remarques pour finir
Les positions des pro et anti-OGM sont-elles conciliables ? Y a-t-il un milieu entre une prudence favorable à l'environnement mais qui pénalise la recherche et l'industrie et une prise potentielle de risques pour l'environnement mais bénéfique à la productivité ? Résultat de ce dilemme, l’ambiguïté de la position de la France qui annule systématiquement les décisions européennes d'autorisation de mise sur le marché d'OGM tout en proposant une position officielle en faveur de la déréglementation des nouveaux OGM par l'Europe qui conduirait à ne plus pouvoir annuler leur commercialisation.