Bruno Parmentier : Pour une agriculture écologique… intensive !
Publié le Par Nina G.
EXCLUSIF. A l'occasion de la manifestation mondiale contre Monsanto le 25 mai, Parisdépêches.fr a interrogé Bruno Parmentier, ancien directeur de l'ESA (Ecole supérieure d'agriculture d'Angers) et l'un des spécialistes français de "l'agriculture de demain". Il prône une agriculture écologique intensive et entend rompre avec le discours de stigmatisation des cultures OGM.
Monsato vient de gagner plusieurs procès importants aux Etats-Unis. Ses succès judiciaires et le soutien apporté à la firme par le gouvernement américain confirment la toute-puissance de ce géant de l'agriculture. Toutefois, selon l'auteur de Nourrir l'humanité, il est nécessaire de dissocier les Etats-Unis de la France dont les politiques agroalimentaires divergent totalement.
Si l'on veut caricaturer, les Etats-Unis encouragent, de part leur législation, la puissance de grande firmes. En France, au contraire, les relations entre l'Etat et les grandes entreprises sont différentes. Selon Bruno Parmentier, "[la France] doit inventer [sa] réponse" pour proposer une alternative.
Les OGM sont devenus une nécessité selon lui. L'année 2007 a été celle où le stock mondial de céréales a été le plus bas depuis la seconde guerre mondiale. "On a réalisé qu'on n'avait plus de céréales en suffisance" estime l'expert. Or, elles sont à la base de notre économie alimentaire. Le problème s'est amplifié en 2010 avec la sécheresse en Russie puis les inondations au Pakistan. On a encore manqué de céréales, ce que d'aucuns considèrent comme la cause directe du Printemps arabe.
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La demande en céréales ne cesse de croître tandis que l'offre reste insuffisante. "On aura le plus grand mal à se nourrir au XXIe siècle. Il faut augmenter la production de 70 %. Or, il faut réussir à produire avec moins d'eau, de terre, d'énergie, de chimie..." Et d'ajouter que le gâchis participe de la rareté de la nourriture. Environ un tiers de la production mondiale est en effet gaspillée. Le sort du monde dépend du moindre incident céréalier.
De la réalité et de la diabolisation des OGM
Cette situation met en lumière le rôle des Organismes génétiquement modifiés (OGM) qui permettent d'augmenter la productivité. Entre 1996 et 2012, le cumul des plants génétiquement modifiés a atteint l'équivalent de la superficie de la Chine. Un champ sur dix dans le monde est constitué d'OGM.
Mais Bruno Parmentier rappelle que nous avons "une vision partielle des OGM", car nous sommes encore au balbutiement de cette technologie. Les différentes espèces d'OGM sont limitées. Toutefois, dans moins de vingt ans, leur nombre et leur capacité vont se décupler. Dès lors, il sera envisageable de "faire pousser des plantes avec moins d'eau", de "faire pousser dans des milieux salés" ou encore d'augmenter la part de protéines et de vitamines. Ce qui est particulièrement intéressant selon lui, c'est le développement des OGM de vie, qui vont être plus qualitatifs.
Les OGM ont tendance à être diabolisés. Luc Ferry a développé le "mythe de Frankenstein" pour parler de la peur qu'engendre les OGM. Ceux-ci provoquent chez les consommateurs et certains producteurs un sentiment de perte de contrôle et de dépossession. "Il n' y a pas de recherche scientifique sans risques. On est obligés de prendre des risques pour faire avancer la science", avançait le philosophe dans un entretien diffusé sur le site OGM.org.
À propos de la manifestation contre Monsanto
Monsanto cristallise l'ire des anti-OGM. La firme multinationale, vieille de plus de 100 ans, est communément accusée de promouvoir des produits nocifs pour la santé et l'écosystème. Les ONG lui reprochent son utilisation de produits chimiques ou issus du génie génétique qu'elle installe sur le marché grâce à des méthodes de lobbying.
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Le mouvement Occupy organise ainsi une journée mondiale de manifestation contre Monsanto le 25 mai prochain. Des rassemblements auront lieu à Paris mais aussi à Marseille et Strasbourg. Un mouvement d'envergure mondiale pour protester contre la mainmise de Monsanto sur le marché agroalimentaire.
À ses yeux, la manifestation montre que l'opposition est devenue un véritable contre-pouvoir. Selon lui, la contestation a déjà gagné en Europe, car l'héritage culturel et la tradition importent autant que l'influence économique. Toutefois, Bruno Parmentier relativise l'impact d'un tel mouvement : "Une manifestation pourquoi pas, mais qu'est-ce qu'on fait les 364 autres jours?"
Il recommande ainsi de "revenir à l'agronomie pour produire autant et ce, avec moins d'intrants (et souvent davantage d'agriculteurs)" et préconise une agriculture écologiquement intensive. Ce qui permettrait de réconcilier les écologistes et les intensifs. "La vraie lutte contre Monsanto, c'est celle-ci", martèle-t-il.
Retards français
En France, l'agriculture biologique est en retard puisque la recherche a investi en force le domaine de la chimie. Selon lui, une telle agriculture "doit également faire des concessions et des efforts autant que les autres agricultures".
Quant à l'utilisation des pesticides, la France est enfin sur la bonne voie : "Le ministre Stéphane le Foll est un adepte de l'agriculture écologique intensive". Et de conclure : "Il faut se précipiter sur l'agroécologie".