Le parti pirate en Allemagne : un parti qui monte
Publié le Par Julie Catroux
Le parti pirate est un parti politique en vogue en Allemagne. Siégeant désormais au Parlement régional, le parti prend de l’ampleur.
Inconnus du grand public il y a encore six mois, les pirates s’installent sur la scène politique allemande. Depuis septembre, quinze élus de la jeune formation siègent au Parlement régional. Leurs objectifs ? Défendre les libertés et les droits des citoyens, le libre accès au partage et à la culture et la lutte contre le système des monopoles. Arrivé de Suède en 2006, le parti pirate a pour but de promouvoir la démocratie directe sur Internet.
Créant la sensation le 18 septembre 2011 en obtenant 8,9% des suffrages aux élections de Berlin, les membres du parti pirate rentrent pour la première fois dans un Parlement régional en Allemagne en remportant 15 sièges. « Une victoire au moment où le Parti Pirate allemand ne dispose d'aucun salariés », souligne Sébastien Nerz, président du parti. « Nous allons démontrer qu'il est possible d'informer ouvertement et honnêtement les citoyens sur ce qui se passe, quelles sont les alternatives possibles et pourquoi un certain chemin a été choisi. Nous allons démontrer que les citoyens peuvent être intégrés dans les choix », ajoute-t-il. Et ces nouveaux politiciens ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Raflant 7,4% des voix en Sarre, un Land à la frontière avec la France, et 8,2% des voix la semaine dernière, dans le Schleswig-Holstein, dans le nord de l’Allemagne, le parti pirate démontre qu’ils ne sont pas que des jeunes insouciants et qu’ils souhaitent réellement le changement.
Le but de ce parti est simple : les membres ne prennent aucune décision sans l’aval de Liquid Feedback, le logiciel de la démocratie directe. Lors des réunions au Parlement, chaque membre du parti peut participer au débat politique « en direct ou part l’intermédiaire d’un délégué à qui il aura confié sa voix » selon Libération. Ce qui rassemble les membres du parti pirate est davantage une idéologie de démocratie directe qu’un programme. Malgré de grandes zones d’ombre, ils se revendiquent de gauche sur le plan social et libéraux dans le domaine économique. Ils souhaitent par exemple l’accès gratuit à l’éducation pour tous, le contrôle de l’Etat sur les réseaux d’eau, de gaz et d’électricité et l’instauration d’un revenu minimum décent.
La majorité des électeurs (deux tiers) a choisit ce parti davantage par rejet de la classe politique traditionnelle que pour leur programme (seulement un tiers). «Ils rassemblent un vote protestataire et populiste. Leur discours contre les partis au nom de la démocratie directe sur Internet est naïf, voire dangereux. Ils rejettent toute idéologie, se disent profondément pragmatiques et sont persuadés de détenir la vérité » déclare le politologue Carsten Koschmieder, de l’université libre de Berlin. Crédité de 13% d’intention de vote, le parti pirate prend de l’ampleur en Allemagne. Devançant les Verts, ils commencent à inquiéter les politiciens.«Plusieurs facteurs expliquent le succès des pirates, estime Carsten Koschmieder. « Dans la capitale, ils ont mené une très bonne campagne électorale. Ils ont aussi profité des erreurs des Verts, dont la campagne a été catastrophique, et des déboires du Parti libéral, qui a libéré un réservoir d’électeurs potentiels. Ensuite, tout est allé très vite : crédités de bons sondages, les pirates ont commencé à intéresser les médias, ce qui leur a permis de davantage cristalliser le ras-le-bol de l’électorat » ajoute t-il.
Bernd Schlömer, futur président du parti pirate allemand
Bien implanté dans la vie politique allemande, le parti pirate va professionnaliser son encadrement en mettant à sa tête Bernd Schlömer, criminologue et haut fonctionnaire au ministère de la Défense, jusqu’alors trésorier du parti. Mais certains membres craignent que le parti ne perde de son « authenticité » si ce dernier est professionnalisé. «La solution serait la formation de coalitions ad hoc, en fonction des thèmes abordés», déclare Christopher Lauer.
En France, le parti pirate a également vu le jour en 2006. Ce dernier a annoncé en avril qu’il compté 42 candidats pour les élections législatives et d’autres continuent d’être investis. Mais ce parti prônant la démocratie directe pourra t-il un jour avoir autant d’importance qu’en Allemagne ?