Polémique autour du site Rencontres Ados
Publié le Par Un Contributeur
Depuis quelques jours, l’opinion publique s’affole au sujet du site internet Rencontres Ados. L’objet principal des critiques : le manque flagrant de contrôle sur les inscriptions et les échanges. La sécurité des mineurs est mise en cause. L’affaire est portée à la procureure de la République par l’Etat. Par Antonin Maja
Créé en 2006 et ayant pour objet les rencontres entre jeunes de 13 à 25 ans, Rencontre Ados a pour particularité d’être placé sous le feu des projecteurs depuis le milieu de semaine. Dès la page d’accueil, le ton est donné : « L'inscription est rapide et vous permettra d'accéder à de nombreux profils d'ados célibataire. ». Et c’est bien le problème cette plate-forme : à la fois l’accessibilité pour les mineurs et les majeurs à une même communauté, sans contrôle, sans modération.
Pour s’inscrire, en effet, rien de plus simple : un gros bouton, quelques minutes suffisent à remplir le formulaire classique avec notamment une case "date de naissance". Une vague mention d’un règlement est faite, plutôt effacée au vu de l’importance de la case "s’inscrire" en contrebas. Règlement rendu caduque dès la première ligne, mention étant faite de l’interdiction pour un mineur de s’inscrire sans l’accord parental. Pour autant, aucune mesure ne permet d’assurer cette restriction. Sans compter l’interdiction de "plans cam/cul", très largement transgressée au travers des pages du forum.
« Un nid à prédateurs »
L’organisation et le fonctionnement du site sont développés à la manière d’un réseau social. Le profil créé dispose d’informations sur les "visiteurs", qu’il est possible de demander en "ami". Un véritable traquenard se dresse sur l’écran des utilisateurs. En quelques minutes, une pléthore de propositions à caractère sexuel apparaissent dans la messagerie instantanée. Plusieurs journalistes ont créé de faux profils d’adolescentes. Nos confrères du Parisien, rapportent que l’âge ne semble pas éviter ces problèmes.
Neila Moore (pseudonyme), activiste et militante contre les prédateurs sexuels, explique à L'Humanité : « En 2021, on s’est posé la question de savoir s’il existait des plateformes de rencontres pour mineurs. On a découvert ce site. Au bout d’une heure, on avait déjà une quantité énorme de propositions sexuelles. » Elle pose la juste question, du moyen mis à disposition qui, ce faisant, crée la condition sine qua non à la prédation : « C’est un nid à prédateurs, mais il n’est hélas pas le seul. Le pédocriminel va là où il y a des enfants. Dès que vous avez un site ou un réseau qui propose un moyen de tchat, ce dernier peut facilement entrer en contact avec eux. ».
Depuis le jeudi 24 août, l’application Rencontres Ados pour smartphones a été supprimée, bien que tardivement, des suggestions du répertoire d’applications Google et classée « PEGI 18 ». Une sanction généralement réservée aux jeux vidéo contenant de la violence et la mention d’actes illicites, comprendre drogues et violences.
Une réponse étatique jugée insuffisante
La récente loi de juillet 2023 interdisant l’accès des mineurs de moins 15 ans aux réseaux sociaux est invocable dans la situation présente. Néanmoins, le champ d’action de la justice est entravé par le caractère transfrontalier de l’affaire. Si l’hébergeur, la société OVH, dispose d’une entreprise et de locaux en France, l’administrateur du site est situé en Belgique. Dès lors, le travail d’enquête et la perspective d’une condamnation sont difficiles à mener, selon la secrétaire d’État en charge de l’Enfance, Charlotte Caubel.
Au micro de France Info ce jeudi 24 août, elle indique qu’il existe « plein de lieux de rencontres pour les ados et les enfants entre eux et pour d’éventuels adultes qui se font passer pour des ados, les messageries TikTok, Snapchat, Instagram ». Pour autant, il n’est pas question selon elle d’interdire, « parce qu’on sait très bien que ça conduira les enfants, les ados et les adultes à aller sur d’autres sites ». Sa proposition est de « règlementer » ces usages.
Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), les mineurs représentaient en 2021 un tiers des utilisateurs d’internet et 40% des nouveaux internautes. Elle pointe également la responsabilité des parents : 82 % des enfants de 10 à 14 ans indiquent aller régulièrement sur Internet sans leurs parents, contre 95 % pour les 15-17 ans.
En moyenne, 70 % des enfants de tout âge indiquent regarder seuls des vidéos sur des Internet, un chiffre minimisé par les parents qui ne sont que 46% à surveiller l’activité en ligne de leurs enfants.
En complément, l’association Point de Contact, pourvoyeur de signalements auprès des autorités, indique : en 2019, 11. 268 URLs, soit 75% des contenus illégaux qualifiés par Point de Contact, revêtaient un caractère pédopornographique, une URL pouvant contenir d’une à plusieurs centaines d’images et/ou de vidéos. Quatre victimes sur cinq étaient des enfants de moins de 13 ans. Enfin, INHOPE (association de protection de l'enfance, au niveau mondial) classe la France au deuxième rang des pays hébergeurs de contenus à caractère pédopornographique au plan européen et au troisième rang mondial, derrière les Etats-Unis.
Antonin Maja