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Sciences Po : la consommation engagée contre l'obsolescence programmée ?

Publié le  Par Grégoire Dubost

Crédit image © Wikimedia Creative Commons


L'obsolescence programmée vient de faire l'objet d'un débat à Sciences Po, à l'initiative du Centre de sociologie des organisations, en présence de Brune Poirson, secrétaire d'État. Compte-rendu.

Plusieurs vigiles étaient présents rue Saint-Guillaume ce jeudi matin, 3 mai 2018, à l'entrée de l'Institut d'études politiques de Paris. Mais s'il nous a été demandé de décliner notre identité, celle-ci n'a pas été vérifiée. Les visiteurs étaient priés d'emprunter les escaliers : l'arrivée imminente d'un représentant du Gouvernement justifiait, paraît-il, le blocage de l'ascenseur.

Dans l'amphithéâtre étaient mis en vente quelques exemplaires de l'ouvrage de Sophie Dubuisson-Quellier, sociologue, qui nous a proposé un décryptage de la « consommation engagée » – laquelle constitue, à ses yeux, « un des moteurs du changement social ».
 

L'arbre qui cache la forêt

Guillaume Duval, éditorialiste à Alternatives économiques, chroniqueur sur France Culture, a raconté avoir lui-même participé à la mise en œuvre d'une politique d'obsolescence programmée. En cause : des lave-glaces conçus, tout comme les véhicules qu'ils équipaient, pour dix ans ou cent mille kilomètres. Apparemment, il a été témoin d'un arbitrage portant sur les coûts et la qualité, et non d'un authentique sabotage. En cela, peut-être a-t-il contribué à entretenir une certaine confusion.

Dominique Roux-Bauhain, professeur à l'université Reims Champagne-Ardenne, aurait pu le lui reprocher. L'obsolescence programmée désigne aujourd'hui une réduction « délibérée » de la durée de vie des produits, a-t-elle souligné. « Attention à ne pas mettre tout et n'importe quoi sous ce terme », a-t-elle prévenu. « Certes, il y a des cas délictueux » d'obsolescence programmée, a-t-elle affirmé, sans toutefois les citer. Cependant, a-t-elle poursuivi, c'est « l'arbre qui cache la forêt ». De son point de vue, il serait même « dangereux » de donner la priorité à la dénonciation de ces pratiques ; le risque serait de conforter les consommateurs dans l'idée que leurs produits seraient irréparables. Confrontés à une panne, « les gens sont globalement incompétents », a-t-elle constaté. « Le premier réflexe, c'est jeter », a-t-elle regretté. C'est pourquoi il faudrait « développer des structures de diagnostic ». Dans cette perspective, la mise en ligne du site Comment réparer a été saluée comme une heureuse initiative. Par ailleurs, Dominique Roux-Bauhain a précisé qu'en application d'un règlement européen (Reach) visant à protéger l'environnement, « les soudures tiennent moins bien » ; preuve, selon elle, que le problème s'avère « bien plus complexe » qu'il n'y paraît.
 

Un secrétaire d'État dans l'embarras

Laëtitia Vasseur, cofondatrice de l'association HOP (Halte à l'obsolescence programmée) a souligné que l'incertitude planait sur l'application de la loi censée réprimer l'obsolescence programmée ; tout dépendra de l'interprétation plus ou mois large qu'en feront les juges. Interrogée sur la réalité de ce phénomène, elle a concédé qu'il était « marginal » sans toutefois répondre à notre question : dans une économie libre, soumise à la concurrence, les fabricants n'auraient-ils pas intérêt à soigner leur réputation, voire étendre la garantie de leurs produits, plutôt qu'à provoquer leur panne –  cela dans l'espoir de gagner des parts de marché ? Flirtant avec la décroissance, elle a dénoncé « une forme d'aliénation » par la technique. Surtout, a-t-elle martelé, « il ne faut pas donner l'impression que toute la responsabilité repose sur les consommateurs ».

S'agissait-il d'une pique lancée en direction du Gouvernement ? Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, entend « donner au consommateur le moyen de pouvoir choisir ». C'est pourquoi un indice de durée de vie devrait bientôt permettre d'établir des comparaisons quant à la robustesse et la réparabilité des produits. En attendant, la loi sur le secret des affaires réduira-t-elle au silence les hypothétiques lanceurs d'alerte susceptibles de révéler les complots ourdis par les industriels ? Un membre de l'assistance s'en est inquiété. Brune Poirson a reconnu ne pas savoir à quoi il faisait allusion. Les chantiers ne manquent pas, s'est-elle justifiée…