Prostitution : la pénalisation nuit à la protection
Publié le Par Fabrice Bluszez
C'est un texte à retrouver en entier dans Libération. Thierry Schaffauser explique pourquoi la pénalisation des clients de la prostitution fragilise les prostituées et augmente le risque de maladies.
Thierry Schaffhauser tient un blog sur le site de Libération, intitulé "Ma lumière rouge". Le texte complet est intitulé : "Depuis la pénalisation des clients, on n’arrive plus à imposer la capote". Intertitres ajoutés par Paris-Dépêches.
« Lors de la cérémonie des Césars, Robin Campillo rappelait ce que toutes les associations de lutte contre le sida disent depuis longtemps: à savoir que la pénalisation des clients précarise considérablement les travailleurSEs du sexe et fragilise la santé, en rendant plus difficile les actions de prévention et d’accès aux soins.
Les prix baissent
« Ce constat est encore + fort que lorsque s’appliquait la pénalisation du racolage public. Auparavant on pouvait passer une nuit en garde à vue, mais on retournait travailler le lendemain et on arrivait à maintenir ses niveaux de revenus. Avec la pénalisation des clients, un phénomène de précarisation sans précédent voit le jour, qui au lieu d’inciter les travailleurSEs du sexe à arrêter le travail sexuel tel que le pensaient les hommes politiques, renforce le pouvoir des clients dans la négociation des services sexuels.
« La grande ambivalence de la pénalisation des clients, est qu’elle leur a donné plus de pouvoir, et qu’elle leur profite en réalité. En effet, si certains clients peuvent se retrouver avec une amende, dans les faits quelques centaines d’euros, l’impact réel de leur pénalisation est d’avoir fait baisser considérablement les prix des passes par deux ou par trois. Dans les bois de Vincennes ou Boulogne, il est dorénavant accepté d’acheter un service sexuel complet pour 20 ou 30 euros ! A ce prix là, les clients peuvent bien risquer une amende, ils restent gagnants s’ils viennent régulièrement.
Accepter sans préservatif
« La pénalisation des clients qui était censée lutter contre la domination masculine ne fait que la renforcer. Il faut à présent faire plus de clients pour maintenir ses revenus, et à leurs conditions! Les témoignages de rapports sans préservatifs sont de plus en plus nombreux, et les premières contaminations au VIH ont été constatées. L’association Acceptess-T qui a signalé 5% de contaminations au VIH sur sa file active en 2017 (en nette augmentation) explique que toutes les personnes devenues séropositives ont déclaré avoir accepté des rapports sans préservatifs car elles ne se sentaient plus avoir le choix de les refuser.
« Lors des rencontres sur les lieux de travail sexuel, on observe que certaines collègues ne se précipitent plus comme avant pour récupérer des préservatifs. Une collègue m’expliquait qu’il n’était plus possible pour elle de rester toute la journée dans sa camionnette, avoir des frais d’essence, les PV à payer à la ville de Paris à cause des arrêtés municipaux, les frais d’avocat, le loyer, et ne pas faire assez de clients pour rentrer dans ses frais.
« Il m’est arrivé de surprendre une jeune femme nigériane au bois de Vincennes sortir de son camion juste après un client et de se nettoyer, mal cachée entre une portière et une autre collègue, en tentant d’expulser le sperme du client le plus vite possible tout en s’essuyant avec des lingettes. Dans ces conditions, comment ne pas craindre le pire face aux IST ?
Accepter pour manger
« Y compris au sein des communautés qui ont toujours été les plus responsables, certaines pratiques à risques apparaissent. Tim Leicester responsable du Lotus bus à Paris me confiait que si les cas de VIH restaient rares chez les femmes chinoises, d’autres IST étaient soudainement dépistées et que cela signifiait que des rapports sans préservatifs avaient bien eu lieu. D’autres associations rapportent que les demandes pour des traitements d’urgence post-exposition ou des interruptions de grossesse sont en augmentation alors que ce sont les mêmes préservatifs qui sont distribués et qu’il n’y a pas de raisons pour que les cas de rupture augmentent à ce point.
« Mon amie Claudia qui fait les dépistages VIH/IST à l’hôpital Bichat et dans les locaux de l’association Acceptess-T voit passer toutes les filles du bois de Boulogne. Elle me relaie les propos des collègues en me disant "mais Thierry, celles qui refusent sans capotes ne bossent plus et meurent de faim, il n’y a plus le choix". »
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