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En 2018, faut-il célébrer mai 68 ?

Publié le  Par Fabrice Bluszez

Crédit image © dr


Faudra-t-il fêter mai 68 au printemps 2018 ? La question a été posée officiellement. Quelques pistes de réflexion...

Le Figaro (Christine Ducros) : les contre et les pour
 

« Une chose est sûre: il y a un avant et un après Mai 68. On se souvient de Nicolas Sarkozy qui, dans un discours de campagne, en 2007, voulait "liquider l'héritage de Mai 68", responsable d'un "relativisme intellectuel et moral", qui avait introduit "le cynisme dans la société et dans la politique", "liquidé l'école de Jules Ferry" ou encore "abaissé le niveau moral de la politique". Pour lui, "les héritiers de mai 68 avaient imposé l'idée que tout se valait, qu'il n'y avait donc désormais aucune différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid".

Cinq ans plus tard, toujours pendant la campagne, François Hollande revendiquait l'héritage de Mai 68, symbolisant une fracture avec son prédécesseur. Dans un discours, il avait, lui, salué "les piétons de Mai 68, qui marchaient la tête dans les étoiles et avaient compris qu'il fallait changer". Cinquante après, le sujet déchaîne toujours les passions.

Henri Guaino, sur France 2, ironisait sur "ces enfants gâtés" qui étaient sur les barricades qui voulaient "une société sans hiérarchie et avaient accouché d'un monde de l'argent fou et de la cupidité ". »

 

Huffington Post (Danielle Tartakowsky) : les acquis sociaux

 

« S'agit-il de la plus grande grève générale que la France ait jamais connue et il convient de rappeler qu'elle s'est achevée par un renforcement du modèle social français aujourd'hui mis à mal. Après l'augmentation de 35% du SMIC, la suppression des abattements de zone obtenue lors des discussions au ministère du Travail, les grèves se prolongent et les négociations se déplacent sur le terrain des branches qui font là la preuve de leur importance. Sur le plan revendicatif, les accords de branche autorisent de fréquentes avancées par rapport aux propositions de Grenelle. Les salaires sont augmentés de 15 à 20%, l'échelle mobile obtenue dans certaines branches, la durée du travail réduite de 1 à 3 heures, diverses discriminations salariales d'âge et de sexe réduites ou supprimées et les conventions collectives révisées. La loi du 27 décembre 1968 consacre le droit des syndicats à créer des sections d'entreprises bénéficiant de facilités (locaux, crédits d'heures) et un accord national interprofessionnel est ratifié le 9 juillet 1970 sur la formation et le perfectionnement professionnel. Tous les syndicats, patronaux y compris, connaissent par voie de conséquence, une croissance de leurs effectifs sans égale depuis la libération. »

 

France Info : Cohn-Bendit toujours
 

« Comment rappeler les utopies et les désillusions ? Telle est l'ambition affichée. Le premier que le Président va consulter, c'est l'incontournable Daniel Cohn-Bendit. Celui qui a lui seul incarne cette histoire. Les acteurs de mai 68, ceux qui étaient dans la rue, sont d'ailleurs les plus enthousiastes. Ils veulent réhabiliter leur combat de jeunesse. D'autres n'ont retenu que le désordre moral et la fin de l'autorité. En mai 2018, Emmanuel Macron souhaite un anniversaire sans dogme ni préjugés. »

 


L'Humanité (Charles Silvestre, 2009) : PCF et étudiants
 

« L’erreur de la direction communiste a été de croire qu’elle pouvait dissocier les étudiants des gauchistes. Que la seule chose attendue par les premiers était une amélioration des conditions de vie et d’études, et que toute idée de bouleversement de l’ordre, fût-elle confuse, devait passer au crible du Parti communiste, et plus particulièrement de sa stratégie d’union avec le Parti socialiste et de programme commun. Dans une certaine mesure, la journée du 13 mai 1968, le "14 juillet" du mouvement, a dépassé ce stade des luttes intestines. Dans la grève générale de vingt-quatre heures, les manifestations monstres, dans le mot d’ordre "Étudiants, travailleurs, tous unis", les étudiants avaient retrouvé le lit d’un fleuve historique. Mais, de ce fleuve qui allait irriguer la quasi-totalité des entreprises bientôt en grève, le personnage emblématique n’était plus Daniel Cohn-Bendit, le libertaire. C’était Georges Séguy, le syndicaliste. C’est à lui que revient le rôle capital, celui d’avoir convoqué la réunion du 11 mai, au lendemain des barricades de la rue Gay- Lussac et de la violente répression policière, d’où sortira la journée du 13 mai.

Moment de retournement. Daniel Cohn-Bendit défile ce jour-là en tête, où il s’est imposé, mais il devient l’auteur d’une diatribe insultante, qualifiant les dirigeants du Parti communiste et de la CGT de "crapules staliniennes". Là, où l’unité retrouvait ses chances, la fracture était recréée. Les groupes gauchistes ont tenté alors d’imposer les mots d’ordre et les formes du mouvement. À la crispation du Parti communiste contre le gauchisme qui lui a masqué, en partie, la réalité du mouvement étudiant, d’une jeunesse révoltée, s’est ajoutée la crispation gauchiste contre le Parti communiste et la CGT qui a masqué aux étudiants la réalité du mouvement ouvrier. »


 

Sur un texte de Jean-Michel Caradec, Maxime Le Forestier, 1974...