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Le Qatar rachète-t-il le monde ?

Publié le  Par Jennifer Declémy

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On en parle de plus en plus dans le débat politique, de la place prise par le Qatar dans l'économie mondiale. Ce minuscule pays pourtant richissime essaie-t-il de s'implanter partout ? Veut-il, comme certains le prétendent, racheter le monde ? DECRYPTAGE.

C’est un minuscule pays qui pourtant, en seulement quelques années, est devenu un acteur incontournable sur la scène mondiale, à la fois de par ses investissements massifs, et sa diplomatie active. Très présent en France, le Qatar a, depuis 1995, su construire un puissant réseau d’alliances et d’influences qui le hisse désormais au niveau des plus grands. Mais l'annonce de sa participation à un fonds d'investissement pour les banlieues françaises cette semaine relance le débat sur la présence financière du Qatar en France. Mais qu'en est-il réellement ?

 

Le Qatar, c’est une micro-monarchie de seulement 1,7 millions d’habitants vivant sur 11 500km², mais qui possède le PIB par tête le plus élevé au monde et le plus grand gisement mondial de gaz naturel. C’est aussi un pays à la capacité d’investissement de 60 milliards de dollars. Des chiffres qui font rêver les pays autour.

 

Des liens étroits avec la France.

 

La micro-monarchie a investi jusqu’à présent dans une quarantaine de pays partout sur le Globe, mais sa cible privilégiée est avec la France, pays dans lequel il est très présent de par les liens que le pays entretient avec le président Nicolas Sarkozy. En cinq ans, les ministres se sont précipités dans l’émirat, dont Claude Guéant et Rachida Dati par exemple, tandis que l’émir fut le premier chef d’état arabe à être reçu par le président français. Mais c’est tout la classe politique qui tisse des liens avec le Qatar : Bertrand Delanoé Ségolène Royal, Jack Lang, Hervé Morin, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy ou encore Claude Guéant, eux parmi tant d’autres connaissent bien ce pays et ses dirigeants.

 

Ces relations privilégiées sont profitables au Qatar qui a su obtenir un statut fiscal exorbitant, par vote du Parlement en 2008, qui permet à ses résidents vivant en France de ne pas payer l’ISF pendant cinq ans mais aussi aux investissements immobiliers de ne pas être imposables sur les plus-values. Quant à la France, elle profite de l’amitié avec le Qatar dans l’affaire de la libération des infirmières bulgares ou l’intervention militaire en Libye.

 

Une puissance économique redoutable et hégémonique.

 

Mais la présence de l’émirat qatari en France, ce sont aussi et surtout des investissements massifs : le pays possède le PSG, 10% du groupe Lagardère, 5,6% de Vinci, 5% de Veolia , 2% de Total, 1% de LMVH, un fonds d’investissement de 50 millions d’euros pour les banlieues françaises, le rachat du Carlton, l’acquisition d’une partie des droits du championnat de Ligue1, rachat du groupe Le Tanneur en Corrèze, de l’hôtel Lambert, d’un palais dans les Hauts-de-Seine ou encore de l’hôtel d’Evreux. Le Qatar en France est partout.

 

Mais il est aussi dans le reste du monde. En Grande-Bretagne actuellement est en construction un gratte-ciel, le Shard, qui sera le plus haut d’Europe, et qui est financé par la monarchie qui a aussi racheté Harrods, investi une dizaine de milliards dans Barclays, Sainsbury et la Bourse de Londres. Il a également acquis la moitié du village olympique. En Grèce il a investi un milliard de dollars dans des mines d’or, aux Etats-Unis il a renfloué Miramax, il est entré dans le capital de Porsche et Suez et depuis 2003 il accueille la plus grande base aérienne du Pentagone hors continent américain.

 

Une diplomatie en construction.

 

La puissance du Qatar n’est pas seulement économique car le pays essaie de plus en plus de développer sa diplomatie pour devenir un acteur incontournable dans la région du Proche-Orient. Depuis le début des années 2000 il accueille tous les opposants islamistes, et il s’est fait remarquer en 2011 en soutenant les printemps arabes et en intervenant en Libye pour renverser le colonel Kadhafi. Aujourd'hui, il s'investit également beaucoup dans le conflit en Syrie, et s'affiche aux côtés des occidentaux pour souhaiter le départ de Bachar Al-Assad.

 

Mais, et c’est un aspect plus étonnant de sa diplomatie, le Qatar entend développer son rayonnement dans le monde en accueillant d’abord en 2015 la coupe du monde de handball puis en 2022 la coupe du monde de football. Le pays, qui ne possède pourtant aucun atout dans ce domaine, entend bien utiliser le sport comme un instrument diplomatique non négligeable.

 

Une stratégie controversée.

 

Si la micro-monarchie se déploie dans le monde occidental en déversant entre autres des millions de dollars, cela n’est pas au goût de tout le monde et suscite des critiques car la stratégie de l’émirat n’est pas claire aux yeux de beaucoup. Le FMI explique la stratégie du Qatar de la manière suivante : « le Qatar veut que d’ici 2020 son budget soit entièrement financé par des activités autres que les hydrocarbures et par les dividendes des investissements du Qatar Investment Autority ». Une manière donc pour le pays de ne pas dépendre uniquement de ses ressources naturelles.

 

Depuis quelques mois déjà on entend le même refrain, surtout en France, qui est que « le Qatar rachète la France », qu’on entend notamment dans la bouche de Marine Le Pen qui soupçonne déjà les islamistes du Qatar d’envahir la France grâce à leur argent. Plus raisonnablement, certains se sont émus de l’intervention de l’émirat dans les banlieues en décembre dernier, arguant que cela traduisait un abandon de l’état. Claude Guéant lui s’est félicité de cette intervention qu’il qualifia « d’effort salutaire dès lors qu’il n’y a pas d’exigence particulière de toute nature ». Aujourd'hui, la confirmation de cet investissement par le ministre Montebourg relance le débat, et d'ores et déjà Marine Le Pen est montée au créneau.

 

Le Qatar multiplie-t-il les investissements pour imposer sa politique ? Le fait est que la France, par le biais de son ancien président Sarkozy, est désormais très proche de ce pays, et François Hollande semble poursuivre cette politique d'amitié. Mais le Qatar peut se permettre d’injecter des millions de dollars partout dans le monde étant donné que, depuis 2008 et la crise bancaire mondiale, les acteurs qui investissent sont de plus en plus rares et il y a donc un vide à combler pour l’économie mondiale, dont le Qatar s’est emparé.

 

Mais les investissements qu’opère la micro-monarchie sont déterminés par les profits que cela peut lui rapporter, sur le long terme et correspondent plus à une stratégie interne que d’une volonté d’islamiser le monde : c’est la volonté de maintenir son pouvoir politique, une obsession pour l’émir actuel qui a lui-même détrôné son père en 1995 et qui a failli être victime d’un coup d’état en 2009. Le Qatar ne rachète pas le monde, il profite des faiblesses économiques du monde occidental pour s’imposer parmi les grands, lui qui ne dispose pas d’énormément d’atouts.